Lettre à ma vieille couverture

Sainte Foy l’Argentière, ce 05 février 2016

Ma bien chère et bien douce vieille couverture,

A quoi suis-je réduite ? Me voilà écrivant une lettre d’amour à une couverture ! Je n’écris cependant pas à la première venue, mais à toi, fidèle, décolorée, mitée, qui m’accueille et m’entoure chaleureusement tous les soirs depuis tant d’années. Ce n’est pas rien ! Et je sais que je peux compter sur toi, que tu me pardonnes quelques kilos en trop, une épilation un peu lointaine, et souvent, ma grande lassitude. Tu sais accueillir, sans dédain ni condescendance, mes rêves et mes réflexions, tu apaises mes craintes de tes caresses qui sentent l’assouplissant. Ah, ma bien vieille amie, tu as pour cela toute ma tendresse et une infinie reconnaissance. Peu de gens pourraient comprendre notre doux attachement. Tu mériterais vraiment, mon chiffon préféré, une grande et belle lettre d’amour. Mais vois-tu ce n’est pas l’objet de ma lettre. J’espère, quoique tu aies toute ma confiance, que par dépit, tu ne dévoileras pas les confidences que je vais te faire aux nombreuses créatures microscopiques que tu abrites généreusement et pour qui je ne sens, décidément, aucune sympathie.

Voici donc, enfin, ce que je garde au fond du cœur depuis quelques temps déjà. Je suis amoureuse ! Et pas qu’un peu ! Tu le verras sûrement, un soir prochain. Il est beau et drôle, et, je suis navrée de te le dire, bien plus jeune que toi. Et tellement moderne ! Je me sens transformée et dans une forme incroyable depuis que je le connais. Nous rions, nous sortons, nous dansons, nous nous enlaçons, et plus encore : nous chatons sur internet avec une passion que je ne connaissais pas encore ! Me voici, toute neuve, prête à m’abandonner à ses bras vigoureux, pour une vie nouvelle et connectée, à la saveur inconnue jusque-là. Quelle surprise que l’amour !

Je voudrais lui écrire la foule des sentiments qui me traversent et me bouleversent, chercher les mots les plus tendres, les plus raffinés, les plus doux, les plus drôles, les plus exotiques, les plus surprenants, les plus forts, pour lui donner à lire et à entendre l’amour qui hurle et tape dans ma poitrine, s’insinue dans les plus petites parties de mon corps et de mon âme. Mais l’homme résolument branché qu’il est trouverait un peu désuète… bon, franchement ringarde, la lettre brûlante que je lui aurais écrite. Alors, je m’adapte, je range la plume. Je lui ai envoyé hier par sms, un retentissant « Salut BB, love +++ ». Mon Dieu, que c’est laid ! Mais mon cœur a vibré à l’unisson avec mon smartphone lorsqu’il a répondu « Smiley qui sourit, ❤ ».

Ma foi, je l’aime assez pour faire le deuil de longues lettres enflammées ! Et puis à toi, mon doux abri à mites, je peux toujours écrire ! Ouf !

Tendrement,

Gisèle

05-02-2016, pour un concours de lettres d’amour