Des tableaux bouleversants

                                                                                                              A Quyên et Aldor


Aldor parlait il y a quelques temps, des beautés bouleversantes. Ce week-end, j’ai eu la chance, le privilège, d’être bouleversée, émue aux larmes par quelques tableaux découverts à Paris.

L’exposition « Paysages mystiques » au musée d’Orsay  offrent quelques œuvres devant lesquelles tout trembla.

D’abord, Le semeur, de Van Gogh dont aucune photo ne rendrait la force symbolique, le trait généreux et spontané, cet homme humble qui sème la lumière, l’intensité du grand soleil. Nous sommes bien loin de l’anecdotique scène d’extérieur. Mais au-delà de tout cela, qui me tint figée devant ce très petit format, je fus frappée par le sentiment de l’urgence de peindre, par ce soleil si simple et tout offert, par le regard posé par Van Gogh sur la scène.

le semeur van gogh

Il y eut aussi deux grands arbres – Rosiers sous les arbres, Klimt – qui foisonnaient de vie et de couleurs, dans un éclat si doux et si subtile qu’ils semblaient rendre, offrir, créer la Paix. Des rosiers clairs s’animaient à son pied et puisaient leur vie, leur beauté, leur abondance dans la multiplicité protectrice des arbres printaniers. Un petit tableau vert saisissant de fraîcheur, de tendresse, de Vie.

06.-klimt_rosiers-sous-les-arbres-c-musee-dorsay-rmn-grand-palais_patrice-schmidt_mini

Enfin, un tableau de Chagall  –  Au dessus de Vitebsk – se faisait très discret au milieu d’œuvres imposantes qui étalaient leur technique et me laissaient de marbre. Je n’ai vu que lui dans cette salle intitulée « Paysages dévastés ». De la neige et une église aux toits bleus, une barrière verte, et cet étrange bonhomme gris suspendu au dessus de la ville. Paysage enfantin et simple auxquelles les deux seules couleurs vives disaient l’amour et la beauté des souvenirs anciens. Mais cette neige était triste et je ne comprenais pas pourquoi. Elle nait, cette tristesse, dans cet homme penché que son déracinement a privé de couleurs. Son baluchon sur le dos dit que c’est un homme qui passe. Et son regard, profondément, intensément triste. C’est le vieil homme séparé de son enfance, du village de son enfance. Il ne lui est plus donné de fouler la neige éclatante, d’être dans sa lumière. C’est un tableau sur l’exil, je crois. J’ai beaucoup pensé à Frog en le regardant. Il a fallu m’arracher à la contemplation et c’était une violence.

Au-dessus de Vitebsk 1914

D’autres tableaux m’ont touchée, certains m’ont simplement plu, ceux-ci ont remué quelque chose très profondément en moi, et c’était à chaque fois une émotion nouvelle. Il en va en peinture comme en littérature, mais peut-être la peinture a-t-elle une puissance plus charnelle, plus immédiate, plus saisissante.

Enfin, A Maillol, dans la fabuleuse collection Rosenberg, Julia m’a fait entrevoir (à travers une reproduction) un tout petit format rose de Marie Laurencin qui m’a ôté les mots: Anne Sinclair à quatre ans. Comment un si petit portrait peut-il à ce point dire l’enfance, et, plus exactement, ce qui me touche particulièrement chez les petits enfants: ce mélange de candeur profonde et de gravité ronde?

Un bleu doux et grave,

Et l’enfantine conscience,

D’un visage rose.

640_marie_laurencin_anne_sinclair_a_lage_de_quatre_ans_1952_fondation_foujita_adagp_paris_2016

Les photos ne disent rien , mais peut-être susciteront-elles le désir de faire l’expérience de ces regards clairs.

 

9 commentaires sur “Des tableaux bouleversants

  1. Merci Clémentine de ce partage. Ces tableaux sont effectivement remarquables… J’ai visité une exposition Chagall (De la poésie à la peinture) en Bretagne l’été dernier, et j’y ai vu « Homme Coq au-dessus de Vitebsk ». Ma soeur a posté des photos de l’exposition tu parles, notamment une série de Charles-Marie Dulac sur les environs d’Assise, cela fait effectivement très envie.

    Aimé par 1 personne

    1. Je viens de regarder ce tableau que je ne connaissais pas. Une photo est très insuffisante mais ce qui est frappant c’est que l’enfance est concentrée dans cet homme-coq, dans le ciel, et le paysage alors que le paysage est très mélancolique. On dirait qu’il est construit à l’inverse de celui que j’ai vu samedi.
      J’ai en effet vu la série de Charles-Marie Dulac, qui est très belle aussi. Il y avait vraiment beaucoup de tableaux hors du commun. Un Giacometti dont la nuit étoilée semblait une composition florale, des oeuvres du grand Nord Canadien aussi. Mais pour les trois tableaux dont j’ai parlé, j’ai senti un mouvement intérieur vraiment particulier. Ce n’est pas facile de dire pourquoi ceux-ci , plutôt que les autres. Peut-être est-ce le trait, et le regard posé par ces peintres sur le monde.

      Aimé par 1 personne

  2. Bonjour, Clémentine,

    Je voyais hier soir une affiche pour cette exposition et je me redisais qu’il fallait que j’aille la voir. Et voici que je trouve cet article au matin !

    Ils sont beaux, ces tableaux, Clémentine. Et je sais d’expérience qu’ils sont plus beaux encore en vrai, quand on croit pouvoir deviner à tel ou tel détail le geste de la main.

    Et c’est bon d’être bouleversé. Enfin : bouleversé par cr genre de choses, qui ouvre, pas par l’horreur.

    Bonne journée. Et merci.

    Aimé par 1 personne

  3. Merci Clémentine ! Je connaissais tous ces tableaux excepté celui d’Anne Sinclair par Maire Laurencin. C’est superbe et tu les décris avec une telle sincérité et sensibilité que cela ajoute encore au caractère précieux de ces oeuvres réalisées par des peintres dont j’admire la démarche authentique. Bises ! 🙂

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire