Très en retard, donc hors-jeu, mais pour honorer le beau sujet donné par Laurence dans le cadre de l’agenda ironique d’août…
« Raconte, raconte tous les miracles qu’il y a eu ici aussi. »
Elle égrenait les contes et l’enfant en voulait encore, répétant l’ordre sur le ton d’une prière, et ne marchait plus que pour cela, parce que le monde s’enchantait sous l’éclat des prodiges. Toutes les pierres des chemins et les arbres de la forêt et les nuages percés de ciel, tout avait une âme, des colères et des amours fous. Il y avait des batailles et des embrassades, il y avait des courses ailées dans les atermoiements du monde, des soleils terribles et des feuilles amoureuses. Le grand chêne là-bas, dans le virage, l’invitait à boire le thé, et les étoiles faisaient les coquettes : elle irait essayer leurs robes faites d’or et de flamme, tout au bout du voyage. Mais il fallait marcher, parce que, sinon, la main qui la tenait ne dirait plus d’histoires.
« Raconte, raconte tous les miracles qu’il y a eu ici aussi. »
Le silence, non, vraiment, ce n’était pas possible. Le silence lui couperait les jambes et sècherait son souffle. Il fallait peupler sa route de mirages grandioses et que chaque chose lui soit compagne d’aventure. Il fallait célébrer le monde qu’elle quittait, il fallait habiller de rêve celui qu’elle découvrait. Il fallait des légendes à n’en plus finir, alors elle criait presque, et ses yeux faisaient rage :
« Raconte, raconte tous les miracles qu’il y a eu ici aussi. »
L’enfant voulait tous les miracles à croire, à voir et à sentir. Elle serrait de plus belle la main trop molle de sa poupée – sourire en mousse, yeux sans regard – dont la voix de chiffon seule avait le pouvoir de la sauver du tissu sale fait de réel, criblé derrière son dos de trous rouges de sang et de pleurs sans mot.
Oui, les mots sont porteurs de beaucoup de miracles, surtout lorsque le quotidien est aussi dévasté…
Merci pour ta participation Clémentine. C’est un plaisir de te lire aussi dans l’agenda 🙂
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Merci Laurence 😉 C’est un peu trop sombre quand même, pour un sujet si beau et qui suggère le bonheur. Mais demain sera peut-être fait d’étoffe plus légère…
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Sombre, oui mais avec une étincelle de lumière. Ce n’est pas rien par les temps qui courent…
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Ouf !! tu as le sens des chutes qui font très mal ! J’aimerais bien que mon fromage volant ne voit pas ça pendant son périple, c’est un truc à le faire cailler ! Ou, si ça arrive, qu’il tente un long bras fromageux à la fillette et l’enlève loin du sol dans les nuages sans oublier la poupée toute molle mais qui n’y peut mais.
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(Oui, pauvre poupée, ce n’est pas sa faute – on voit bien qu’elle fait tout ce qu’elle peut, quand même)
Je crois qu’effectivement, le long bras fromageux-volant est la meilleure façon de nous préserver de cette chute trop noire 😉
Et s’il caillait, le fromage hyper sensible, ma foi cela le préserverait d’être mangé, en cas de chute avant d’avoir atteint les contrées miraculeuses (si tant est que corbeau et renard aient les papilles un peu affutées) !
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Oui, elle est adorable la poupée molle… et ça n’est pas de sa faute si la gamine gambade dans un monde aussi nul !
Sinon, je ne suis pas vraiment certain que le renard et le corbeau aient vraiment envie de bouffer le fromage ; depuis le temps, c’est devenu un copain !
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Oui, oui, c’est vrai. A force de se côtoyer dans les fables, ça crée des liens.
Mais surtout, sans fromage, que deviennent-ils eux? C’est pas dit qu’on parle encore d’eux après. Non vraiment, ce serait un mauvais calcul, en dehors de toute considération sentimentale.
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Et puis un renard qui sent le vieux fromage, la honte ! Plus une poule ne se laissera approcher 😦
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Ah ah ah! Ce serait bien le pire qui puisse arriver à un renard!!
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Oh oui… le monde a bien besoin de miracles, Clémentine.
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Oui, Aldor…
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Quel texte superbe. On est dans l’esprit du conte et sa magie, au plus près.
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Oh merci 😊
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Bon jour,
J’aime cette phrase : « Le silence lui couperait les jambes et sécherait son souffle. » Tout à la fois angoissante et visuelle, tranchante et sans appel, elle est la clé de voûte de votre texte. En fait, je me pose la question : quel affreux drame cet enfant (qui « voulait tous les miracles à croire, à voir et à sentir » a subit pour échapper à la réalité ?
Max-Louis
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Bonjour,
Merci beaucoup pour votre lecture attentive.
Je voulais suggérer un drame (ayant en tête ces contrées, ces villages ravagés par la guerre) mais être suffisamment allusive pour qu’il puisse être à la fois tous les drames dont les enfants ont à s’extraire, coûte que coûte.
Je suis, je crois, marquée par ces figures d’enfants réfugiés sans plus ni père ni mère. Si les mots et les rêves pouvaient seulement leur tenir la main, être à côté d’eux sur le chemin…
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Merci pour ces précisions. je comprends d’autant mieux le texte à présent. Merci à vous 🙂
Max-Louis
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Sans doute manque-t-il de clarté, il est publié tel qu’il est venu, sans véritable travail derrière… Tant pis, c’est en écrivant qu’on devient écriveron, n’est-ce pas?
Merci beaucoup de votre passage, à bientôt!
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Votre texte tel qu’il est très bon.
C’est moi qui cherche la « p’tite bête » et pose des questions 🙂
Max-Louis
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Vous faites bien, c’est la joie de la vie blogesque – et sa richesse, car ce sont ces réactions qui nous font avancer, il me semble! Alors, merci de chercher la petite bête😉😊
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Ah ah ah » faire la pige au lapin blanc »!😂😂😂
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Ce qui me rassure c’est que ce n’est pas comique, ça me fait moins de concurrence.😉
Plus sérieusement l’ironie, ici, correspond bien à l’opposition entre une réalité cruelle et l’enfance des.contes et des jeux.
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ah ah ah, effectivement, ce n’est pas comique du tout. Je devais avoir l’humeur bien sombre hier. (Je vais lire le vôtre, qui me rendra le rire!)
Si ironie il y a (elle peut-être là où vous dites, mais c’est sans calcul), c’est une triste ironie qui ne prête même pas à sourire. La prochaine fois, je me secouerai les puces, promis!
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« l’humour est la politesse du désespoir, alors faites honneur à vos éducateurs et montrez nous un peu de politesse que diable, faites nous rire ! » 😉
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J’aimerais bien, mais vous savez ce que c’est: soit Ca vient tout seul, soit ça ne vient pas, et dans ce cas, il vaut mieux laisser tomber car l’humour à marche forcée manque toujours son effet!
Ceci dit, la citation vaut le détour 😉
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Certes , mais en fait c’est comme la gym ou la danse , au début on est raide et malhabile, et puis à force , de temps en temps ça marche. 😉
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Hou lala, c’est du dur ! Mais l’agenda ironique permet aussi et justement ce genre de choses : on croit qu’on va rigoler et on rit jaune ! C’est ça, l’écriture et sa magie : l’envol. Merci Clémentine pour ce texte puissant.
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Merci Anne, pour ta lecture, et si tu dis que ce texte noir est « puissant », oh, j’en suis toute rouge 😉
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