(suite des articles Lune, Margot, et Claire, Julie, Pierre et Amar)
C’est l’aube déjà et Lune se déplie et s’étire comme une fleur se défroisse à sa lente éclosion. Son corps est douloureux d’avoir reposé sur le banc trop dur. Tant pis. C’est un miracle que personne ne l’ait chassée, se dit la jeune fille aux boucles brunes. C’est un miracle que personne ne lui ait parlé non plus ! Son tête à tête nocturne et silencieux avec le grand cèdre est un cadeau qu’elle reçoit avec gratitude. Un peu de paix lui est rendue.
Lune ne sait pas vraiment ce qu’elle veut faire de ses lendemains mais les branches lourdes du cèdre pèsent du poids de la vérité simple. Elle désire à présent leur densité. Elle ne veut plus des frivolités d’avant la mort de sa mère. C’est comme si sa mère s’était chargée, à sa place, d’être sincère et dense, simple et vivante. Elle, elle s’est contentée de papillonner d’un amant à l’autre, et d’amitiés éphémères en relations superficielles. Elle a aimé la faculté parce qu’elle aime la littérature, mais elle n’a pas tant travaillé que cela. Elle a fait la fête sans y croire. D’ailleurs, ce matin elle se rappelle de tous les instants de sa vie où elle n’a été qu’à demi présente. La part profonde d’elle-même se tenait à l’écart, un peu triste de se disperser dans ces sourires de pacotille. Elle s’est sentie friable comme une feuille morte mais elle oubliait tout, croyant parfois elle-même à son masque de joie légère. Elle a fait mine d’avoir ses dix-huit ans et de n’être pas plus lourde qu’une bulle de savon. C’était possible, tant que sa mère travaillait la terre pour manger et regardait intensément les pierres dans le soleil, et la pluie sur les vitres, et le chat en boule sur le bord d’une fenêtre, et la lumière de fin d’été qui contenait déjà tout septembre et l’or de l’automne. Elle vivait, elle vibrait, elle aimait. Et maintenant qu’elle a enfoui son secret dans l’inexorable silence de la mort, maintenant, Lune ne peut plus supporter de n’exister qu’en surface. Se contenter de sourire et de participer à la grande comédie de la jeunesse. A Lyon, elle a senti la nausée lui tordre les tripes et il a fallu partir.
Voilà Tours et merci le grand cèdre car elle se lève avec le jour, pleine d’un désir âpre et de douleurs du corps qui la remettent sur le chemin sincère de l’existence. Son refus d’hier s’est transformé en volonté d’autre chose, d’autrement. Seulement, par où s’y prendre ? Par où attrape-t-on le monde quand on en est sorti ? Par quelle porte y pénètre-t-on à nouveau ? Comment ne pas se fourvoyer dans les méandres de l’à demi ? Ce n’est pas donné d’habiter pleinement sa vie.
Lune entre dans la rue Jules Simon par le grand porche en tuffeau tandis que la ville baille en ouvrant les yeux. Elle a faim. C’est la première fois depuis longtemps. Heureusement, elle a les quelques économies de sa mère pour vivre quelques jours encore. Après, après… voilà à quoi il faudra penser aujourd’hui. C’est un problème simple, et cela lui convient. Un bon point de départ. La jeune fille se dit qu’elle va d’abord manger un croissant chaud, puis scruter absolument toutes les vitrines et les moindres annonces écrites à la hâte sur des coins de papier, scotchées sur les comptoirs des commerces. Tout noter sur un carnet. Voir ce qui émergera de cette première enquête. Jouer avec l’harmonie secrète du hasard. Elle va découvrir la ville douce selon le monde étroit mais fourmillant des petites annonces.
(à suivre)
C’est bien. C’est bien.
Un peu redondant peut-être ? Un peu redondant peut-être ?
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Oui, peut-être un peu. Je ne sais pas encore pourquoi, je voulais creuser la question de ce départ soudain, avant de lancer Lune dans la suite de sa vie. Peut-être que, si la boucle se boucle un jour, l’ordre des passages sera revu et corrigé. Merci en tout cas pour ta lecture et ta remarque à laquelle je réfléchis sérieusement.
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Désolé mais c’était une remarque à la lecture du mail reçu en tant qu’abonné à ton blog.
Dans l’email reçu le texte est répété deux fois (je viens de te le faire suivre) !
Je ne me serais jamais permis de juger de ton style !!
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Ah oui, c’est vrai, il y a eu un bug! Je l’ai corrigé entre temps 😀
Quand même, il y a peut-être bien des redondances et tu peux faire les remarques que tu souhaites: c’est la liberté du lecteur quand même! Je ne me vexe pas, au contraire, je trouve que les retours vifs et sincères de ceux qui passent par ici m’aident toujours à avancer. Alors ne te gêne jamais avec moi 😉
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Oh ! Clémentine, ce malentendu est adorable !
Je ne trouve qu’il y ait de redondance. C’est plutôt que le mouvement se ralentit, s’arrêt presque sans qu’on sache comment le mouvement va revenir. mais c’est aussi le découpage en feuilletons qui fait ça.
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C’est vrai… peu de mouvement. J’ai toujours du mal à maintenir du rythme. Je me laisse absorber par les personnages. Je crois que c’est pour cela que la forme longue m’est inaccessible pour l’instant. Mais je vais y travailler encore! Merci beaucoup, Aldor!
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Oh ! Que je te comprends !
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😀
Je crois aussi que ça correspond à ma façon de vivre. Je pense, je pense, et l’action est si lente à venir! Mais je travaille sur les deux tableaux!😂
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Que de fautes… j’accuse souvent le téléphone mais j’en fais autant avec l’ordinateur…
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Ne t’inquiète pas, je suis aussi étourdie que toi!
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Et pour la redondance, jolie illustration 😉
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