A Lullaby, Antigone et Hana, le personnage du roman de Quyên Lavan, Ce que sème l’Hirondelle, dont Joséphine parle à merveille ici et que je ne saurais assez vous inviter à lire. Je crois que vous pouvez lui demander. La seule chose qui manque à ce roman construit comme on bâtirait un voyage -dans le temps et l’espace – et écrit selon le rythme sacré du ressac, c’est un éditeur (pour l’instant).
Je ne saurai rien en dire de mieux, si ce n’est qu’Hana est venue épouser une figure que je sens vive et flottante, depuis un temps dont je ne me souviens plus.
Hana est une jeune fille qui cherche son cousin disparu et ce qui les liait était fait de la lumière tressée comme une corde émanée de leurs âmes, et des graines semées ensemble comme un vent exigeant la beauté – guerilla gardening. François est un prof dont la femme est partie. Hana, épure de vérité, d’énergie, d’exigence et d’amour, se tourmente autour de l’absence de Frankie, et François l’aide. Cherchant Frankie à ses côtés, François se redresse, se déplie, devient, parce qu’il reçoit le rayonnement de cette jeune fille-là, et nous lecteurs, nous le recevons aussi, comme un cadeau qui nous est fait.
Ce n’est qu’une ébauche de poème mais ce poème sera, je crois, une perpétuelle ébauche.
A Hana-Lullaby-Antigone
La longue silhouette
N’a aucune courbe
Au delà
De son cœur
Elle vient d’avant le livre rouge
Elle n’a pas attendu
Antigone
Pour que son halo blanc
Devienne mystérieusement
Un souvenir
Une ligne de pas dans une terre sans nom
Fichée là
Fuyante
Elle ne m’est jamais familière mais
Je la reconnais
Hana
Quand je ne la croise pas
Dans un corps malgré tout
Un corps sans chair
Débarrassé comme ses mots
Densité qui ne sait pas
Se détourner
Elle est lourde comme un rêve
Comme une pierre
Une pierre ovale
Que je ne peux pas serrer
Que je ne veux pas serrer
Que j’aimerais devenir
Au moins croiser
Toute ramassée avec un cœur chaud et froid
Qui rayonne invisible
Et pourtant
Elle parle à la paume de ma main
En chuchotant le bruit des arbres et de la mer
Lullaby
Comme une herbe dans un champ
Je suis allée voir le texte de Joséphine. Elle écrit à la perfection et recevoir sa critique est un réel cadeau ce que Quyên a d’ailleurs bien accepté. J’aime aussi ton texte sensible et la poésie qui en découle. Bref, vous donnez envie de lire le roman de Frog, son écriture si singulière et poétique, qui donne envie d’être découverte. Merci Clémentine.
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Oui, il vaut la peine d’être lu, à l’image de la critique de Joséphine. Si je n’en dis rien de plus, c’est que mes corbeaux et mes renards me m’arment pas assez pour dire aussi bien qu’il faudrait (pour ça voirJoséphine, et le poème ci dessus) ce qu’il mérite qu’on en dise.
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Imaginons ce qu’un corbeau dirait d’une hirondelle…
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croâ ?
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Oui, c’est un très beau livre!
Et la critique de Joséphine est si parfaite que je n’avais pas osé en dire quelque chose de plus. Je me sens bizarrement assez maladroite pour parler des livres que j’aime. Mais si au moins ce billet permet qu’on lise l’Hirondelle de Quyên, il n’aura pas été vain. Hana m’a vraiment touchée.
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Merci Clémentine, de ta lecture, de ton émotion, de ce partage et de ce poème à une jeune fille que nous (re)connaissons et cherchons un peu à l’aveugle sur les – pardon du cliché – chemins de la vie. C’est elle aussi que raconte Miyazaki dans nombre de ses films. J’ai beaucoup de chance que, malgré le désintérêt des éditeurs (je crois que parmi les manuscrits envoyés, bien peu ont été vraiment feuilletés, mais c’est le jeu), mon texte ait rencontré des lecteurs parmi mes amis et mes compagnons de blog ! Merci ! 🙂
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Oui, elle se promène chez Miyazaki que j’aime sans doute aussi pour elle. Etrange image, récurrente, obsédante, fondatrice. Quand je la croise, dans la vie, ou dans une oeuvre, j’ai l’impression de recevoir un cadeau. Je me sais maladroite pour parler des livres que j’aime (c’est quand même dommage pour une prof de lettres mais c’est comme ça), seulement, il me semblait que même maladroitement, je devais rendre ce cadeau reçu (ton Hirondelle), le partager. Le poème est écrit aveuglément, je ne sais pas si c’est un poème ou une forme d’écriture automatique. Une tentative d’approche.
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J’ai la même maladresse à évoquer les livres aimés, doublée de paresse. On n’a toujours le courage de chercher, de mettre des mots, de décortiquer. Je te remercie d’avoir eu la gentillesse d’évoquer ta lecture de mon Hirondelle et surtout de laisser Hana continuer son chemin en toi et dans ton poème. La jeune fille qui est à son origine a maintenant atteint l’âge du personnage et me dépasse bien d’une tête. 🙂
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Quelle joie d’avoir une Hana dans sa vie🙂
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Ah, ça, oui ! 🙂
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Quel beau poème ! J’aime ta manière d’esquisser sur le sable, de suggérer seulement, et ces vers tout particulièrement : « Elle ne m’est jamais familière mais / Je la reconnais ».
Ma critique était enthousiaste mais très personnelle, elle laisse bien la place à d’autres voix comme la tienne. Tu vois, je n’avais pas pensé à ce parallèle avec Antigone et ne connais même Lullaby. J’ai vu en Hana une jeune fille qui souffrait d’aimer, de sa grande capacité à aimer, tandis qu’Antigone souffre de ne pas savoir aimer, de vouloir autre chose de vie, un absolu. Ce n’est que ma vision ; et tu me donnes envie de relire le roman pour la confronter à la tienne. Merci !
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Merci Joséphine! Je me sens souvent en difficulté quand il s’agit d’évoquer une œuvre ou une personne que j’aime, que m’émeut. Peut-être parce que cette émotion trouve son origine dans quelque chose de l’ordre du mystère, ou de la magie, de l’alchimie et que décortiquer me semble maladroit, et forcément un peu faux. C’est ce que j’avais admiré dans ton billet: tu savais dire la beauté sans en briser le mystère, l’entièreté. Pour ma part, seule la tentative de poème me semblait approcher ce qu’Hana a fait résonner en moi et je suis contente s’il te parle quoiqu’il ne soit pas très abouti. J’aime beaucoup l’adolescence aussi, pour la côtoyer de près. Hana est de ces jeunes filles que j’aimerais croiser dans mes classes, que je crois deviner parfois. Elle ressemble à Antigone par sa densité, sa silhouette, son exigence, sa pureté… et aussi par sa façon d’aimer, il me semble. Je crois qu’Antigone aime. Celle d’Anouilh aime Hémon, celle de Bauchau aime ses frères, Hémon, Clios, son père etc. Mais son amour, c’est vrai, est exigeant. Celui d’Hana aussi.
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Mais je te rejoins quand tu dis que ce qu’elle veut est autre chose que la vie. Et pourtant, elle l’aime aussi intensément. Il n’y a qu’à relire les premières scènes 😀 La paradoxe fait sa beauté…
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Oui c’est vrai ! J’ai mal écrit, je voulais dire qu’elle voulait autre chose de la vie (et pas que la vie), elle aime mais ça ne lui suffit pas. Le souci de la vérité l’emporte chez elle sur le souci de soi. Vivre dans la vérité est plus important que vivre ensemble. C’est rare, exceptionnel, juste et injuste, on ne sait pas si ainsi elle sauvera ou détruira, héroïne autant qu’anti-héroïne. Et c’est sans doute pourquoi, dans mon imaginaire, elle ne ressemble à personne. Mais comme tu vois, c’est le personnage tel qu’il vit en moi, de manière très puissante mais entièrement subjective. Tu avais écrit un billet sur ta lecture de la pièce d’Anouilh qui m’avait beaucoup plu !
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Le personnage tel qu’il vit en Toi…
oui ils ont mille vies, ces personnages dont on ne peut vraiment se défaire, mille vies dans les mille esprits qu’ils habitent.
Antigone à en moi ouvert une brèche faisant vibrer plus fort plus consciemment révolte et désir intense de la vie. Sa mort est insupportable parce qu’elle dit que ce désir est impossible à combler. C’est un personnage qui a modifié ma façon de vivre/sentir la vie, sans résoudre son énigme. Sa pureté exigeante reste un point de lumière fascinant. Elle est ambiguë, c’est sûr, créatrice et destructrice… nous n’avons pas fini d’y penser: quelle merveille!
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Je dirais que sa passion de la vérité en fait un personnage tragique indépendamment de la situation où elle est prise. C’est elle qui crée la tragédie. Elle déchire le voile.
Bref, je me laisse emporter, je vais prendre mon carnet et éviter d’envahir ton blog 😀
C’est qu’elle est si fascinante. Pas étonnant qu’elle ait suscité tant de réécritures.
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Je suis d’accord avec toi. Hana porte cela en elle ( elle cherche la vérité et s’apaise seulement quand elle est convaincue qu’il n’y a pas eu de médiocrité dans la vie de Frankie) mais elle est plus humaine, plus incarnée.
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Votre échange est très intéressant ! Si je puis me permettre de mettre mon grain de sel, je reconnais Antigone dans ce que chacune de vous dit. Je dirais aussi qu’elle est pour moi une figure de l’amour sororal, familial – Bauchau a insisté sur ce point bien plus qu’Anouilh (on se souvient de la scène où Créon fait avouer à’Antigone qu’elle ne savait rien de Polynice, ce jeune crétin qui ne l’aimait pas). Il me semble qu’Antigone poursuit selon les auteurs autre chose que la vérité : la justice, le respect des dieux, les devoirs dus à ceux qu’on aime (Sophocle), la fidélité à soi-même ou à une idée de soi, mais je crois comprendre ce que Joséphine veut dire : son exigence est tragique. Chez Anouilh en effet, rien ne l’obligeait à se faire tuer. Pour Sophocle, Antigone joue dans un jeu où les règles ont déjà été écrites et elles dictent sa conduite : le tragique n’est pas de son fait (sans parler de la malédiction qui pèse sur les Labdacides) (et Créon est le plus entêté des deux).
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Oui, c’est vrai que le tragique change d’origine entre Sophocle et Anouilh, entre les grecs et les modernes (depuis Racine). D’extérieur, il devient intérieur, et cela change beaucoup de choses quant à l’ethos des personnages, il me semble. L’Antigone de Bauchau est la plus aimante, c’est vrai. Elle passe l’oeuvre a essayer de faire primer l’amour sur tout le reste, à l’imposer comme la première valeur dans la cité, dans sa famille. Elle montre l’exemple et meurt quand elle est bien sûre qu’il n’y ait plus aucun espoir de ce côté-là. Chez Anouilh, Antigone porte en elle sa mort, parce qu’elle a compris que l’idée qu’elle se faisait de la vie, une idée proche de celle qu’aurait un enfant -idéaliste – est vouée à la destruction (le dialogue avec Créon sur le bonheur). Par le mot « vérité » qu’emploie Joséphine, j’entends pureté absolue.
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Ce que tu dis de l’histoire, du changement de la conception de la personne et du destin ne doit pas être oublié et rend bien compte de la différence de chaque oeuvre ! Je pensais davantage à celle d’Anouilh, je l’avoue. 🙂 Bauchau, je ne l’ai lu qu’une fois, il m’avait toujours considérablement déçue, alors je n’ai pas lu sa version… Mais je tenterai !
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Vraiment c’est un beau livre. Les personnages y ont tous une part de lumière (contrairement à la pièce d’Anouilh, où les frères sont complètement secs et noirs). Antigone y est plus humaine, plus aimante que jamais. Ismène non plus n’y est pas réduite comme chez Anouilh. L’art y tient une place importante. La langue est belle….
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Tu m’as convaincue ;(
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En tout cas, je suis contente, je viens de faire lire celle d’Anouilh à mes deux classes de 3eme, nous n’avons pas encore entamé l’étude mais j’ai quand même une classe sur les deux qui dit avoir adoré, et qui a hâte que l’on travaille dessus. (L’autre classe dit grosso modo « J’ai rien compris » 😦 ).
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« J’ai rien compris » c’est le début de quelque chose 😉
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Certes… je leur dis à peu près dans ces termes. Mais la réaction enthousiaste et immédiate de l’autre classe, pour rare qu’elle soit, donne le sentiment que quelque chose a été reçu, déjà. C’est agréable et prometteur quant aux heures que l’on partagera autour du texte.
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Oui, et c’est un très bon choix pour des jeunes de cet âge !
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Je crois que la pièce aurait plus de succès avec des lycéens malgré tout. Les 3e ont encore beaucoup de mal à prendre du recul, sont souvent englués dans la narration. Alors la pièce les déçoit souvent. Et leur déception me déçoit parce qu’à leur âge, la pièce à changé ma vie. Mais il faut accepter qu’ils ne sont pas moi!
Avant je leur proposais Médée (d’Anouilh) qui les interpelait davantage et que j’aime aussi beaucoup beaucoup. Mais le nouveau programme exige une pièce qui interroge la relation entre l’individu et le pouvoir… Antigone s’impose!
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On m’a chaudement recommandé le Médée de Christa Wolf, l’as-tu lu ?
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J’ignore même le nom de l’auteure… mais tu me rends curieuse.
La Médée d’Euripide m’avait moins émue que celle d’Anouilh. Je sais que les réécritures sont aussi nombreuses, ce sera un prochain champ d’exploration!
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😉
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Coquille smileique! Cela arrive aux plus confirmés😂
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😂😂
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