mais je préfère

(J’ai lu quelque part quelque chose, je ne sais plus où, je ne sais plus quoi – et je ne sais plus pourquoi j’écris cela, mais cela faisait longtemps que je voulais.)

céder à la contemplation

laisser le monde exister

sans moi

corrosif – on l’est tous les jours

en respirant

il est d’ailleurs à peu près sûr

qu’on a tout dévoré

alors pourquoi devrais-je mordre

aussi avec les mots (qui n’ont rien demandé, soit dit en passant)

je cède encore

à la dentelle que l’hiver a posé sur les arbres

à la nuit – cet immense cliché

au silence

je les laisse

prendre toute la place

ils sont bien plus beaux que moi

céder à la contemplation

c’est faire de la poésie démodée

en moins bien

mais je préfère

Je vous ai apporté

je vous ai apporté

des brassées de bois clairs, d’invisibles oiseaux

des plantes volontaires enlacées sans question

voici des galaxies entières

saupoudrées sur les châtaigniers

voici les demoiselles, caresses des talus,

demandant « poule ou coq ? » à ceux qui les écoutent

je vous offre un bouquet

un bouquet de fleurs-mots

cueillies après l’averse

dans le premier rayon

et leur éclat chuchote

comme un secret d’amour

prenez, prenez ce dernier vers

c’est un long ruban exhalant la terre chaude pour embrasser le monde

Je voudrais que tu saches

blême lueur maintenant

c’est l’aube

qui très doucement brûle

l’encens des rêveries, ces silhouettes – tu sais ?

dont le contour échappe, ces fleurs aux noms de nuit

poussées entre les branches

immenses

du désir

-je voudrais que tu saches –

dans le ciel trempé

dans les sentiers déserts, dans les champs qui reposent

sur les flancs un peu tristes de janvier sous la pluie

l’essence nocturne des secrets flotte

odorante et tenace

Doux parfum

A Caroline et Pierre-Luc

C’est dans l’hiver le sursaut de la lumière. Le camélia fleuri salue notre regard que le ciel impérieux, réclame.

Nous sommes à la fenêtre, les enfants se sont tous endormis .

Nous n’avons plus quinze ans. Cette pensée est neuve de la clarté de janvier, veloutée comme les fleurs roses invitées dans le cadre blanc qui nous verse au milieu du jardin.

La forêt n’est pas loin. Un espoir muet répand son doux parfum.

Une joie

c’est un prolongement d’encre et de papier

c’est la pulpe de ces années de blog tenu, de blogs lus, d’échanges, de rencontres dont les écheveaux ne sont pas vides

c’est une façon de ne pas oublier que l’écriture est une forêt dont j’aime tous les arbres

c’est une douce joie et presque un souvenir où vous aparaissez

merci d’avoir marché tout à côté de moi.

Le silence des arbres, paru chez Citadel Road Editions, est maintenant disponible. Si vous en souhaitiez un exemplaire, vous trouverez ci-joint le bon de commande à transmettre à Emmanuelle Le Cam, qui a eu la bonté de me proposer l’édition de ce petit recueil poétique.

la dernière fois que j’ai écrit un poème

Je me souviens de la dernière fois que j’ai écrit un poème. Souvenir précis et lointain à la fois.

La fenêtre m’offrait un grand arbre clairsemé par la pluie d’automne, et qui répondait au sommeil des enfants. La pièce était comme ça, très haute, accrochée à un mur de vertige. Il fallait se pencher pour deviner, à son pied, une rivière.

J’étais seule. Et bien que l’arbre m’invitât délicatement au bonheur, j’ignorais à demi le goût de cet après-midi sans fièvre. Tout s’était miraculeusement écarté autour de mon désir d’écrire. Le quotidien perdait l’âpreté de ses contours, comme s’il n’existait plus qu’à travers une vitre de verre dépoli. J’écrivais un rêve qui lentement faisait des cercles autour de mon cœur. C’était un rêve qui disait adieu. Je prenais le temps de dire la lumière de ce rêve, de convoquer encore une fois la maison perdue.

J’écrivais. Je savais bien que c’était rare, d’écrire ainsi dans le silence et l’orbe d’un feuillage frêle, dans la douceur de ce qui va bientôt finir. C’était un instant d’immobilité illusoire, de discret basculement. Pourtant, je ne savais pas, je ne savais pas suffisamment,  que c’était si beau, si précieux, d’être ainsi suspendue à la croisée des choses.

Je guettais, en écrivant – j’attendais presque –  le réveil des enfants.

 

arbre haute loire