L’usure de nos chagrins

Les arbres, toujours, les arbres

inlassable réponse, inlassable mystère

dans l’entrelacs des nuits

ils fondent leur constance

ils font leur long travail

en traversant l’hiver

leurs nœuds entendent-ils

la colère alentour?

Leurs troncs devinent-ils

l’usure de nos chagrins?

Confessions

Pour la dernière soirée en date chez Mots et Merveilles (libraires et librairie merveilleuses à Sainte Foy l’Argentière), il fallait écrire quelque chose de court avec 10 mots (c’est maintenant une coutume!). J’avoue qu’en relisant mon texte, après la soirée, j’ai ôté quelques mots qui étaient trop mal intégrés, mais je donne la liste initiale pour ceux qui voudraient jouer:

vendange – arabesque – calcédoine – décaféiné – chlorophylle – confession – cariatide – sublimer – surfiler – turlupiner


  1. Je repousse toujours le moment d’écrire. Quand une image vient tourner en moi, confusément, obstinément, attendant que je tire le premier fil de cette pelote informe qui la constitue, une tâche urgente vient généralement me sauver. Une tâche triviale que rien ne pourra jamais sublimer: du ménage, une lessive à étendre, un rendez-vous à prendre – sans surprise, le rendez-vous! Ô joie! Me voilà bercée par la musique rassurante et sans charme de ce qui n’exige pas de se pencher au-dessus de l’inquiétante boue qui clapote à l’intérieur de soi, avant que ne surgisse, enfin, la calcédoine dure et lisse, impassible et brillante, des mots choisis.
  2. Quand je pense à écrire, il a toujours des arbres dans ma tête. Simultanément. Je ne puis dire laquelle de ces deux pensées précède l’autre. Écrire – et voilà que jaillit l’arabesque d’une branche au dessus d’un rayon. La grâce étoilée d’un châtaigner en juin. L’élan des peupliers dont j’imagine la sève vive et la chlorophylle comme un produit des fées qui argente les feuilles aux bourrasques du vent. Le cœur chaud des grands chênes dont les troncs-cariatides soutiennent le ciel amolli de chaleur. La toute première feuille dans la vigne, en avril, qui prend toute la lumière et ne pense pas encore à la vendange. Un arbre – et voilà que s’ouvre le désir.
  3. Après l’écriture, dont je ne peux pas parler parce que la facture de ce moment m’échappe continuellement, je me sens fatiguée et heureuse comme si javais bâti une maison, une église, alors que ce n’est souvent qu’un poème, un pauvre poème, qui ne survivra pas à la première relecture.

dans la lumière des arbres

nous avons marché dans la lumière des arbres

le jour entre les branches

s’échevelait

sa fougue avait la fraîcheur de l’enfance

qui glissait sous nos pas

 

les troncs nus

hilares et souples

enroulaient le tissu fragile du ciel

puis le rendaient –toujours

 

nous avons brûlé dans ce jeu blanc

qui n’était pas le nôtre

 

l’écorce, la douce écorce, nous aura-t-elle aimés ?

 

Mars

Mars a vêtu les arbres

d’une robe de ciel clair

et de dentelle sombre

 

ils vont longeant ma route

patients, rompus au jour

et gorgés de nuit fraîche

 

dans leur intermittence

l’horizon a glissé

ses courbes encore blanches

et

imperceptible presque

un souffle

 

Eventails

La forêt ne cache plus rien maintenant

 

Le ciel d’hiver se glisse fade et doux

entre les branches nues

Et sans ombre

Qui se contentent d’être des lignes

Privées d’éclat d’or ou de nuit

 

Elles  s’offrent ouvertes en éventails

 

A

La lumière

Souveraine et tranquille

De décembre