la dernière fois que j’ai écrit un poème

Je me souviens de la dernière fois que j’ai écrit un poème. Souvenir précis et lointain à la fois.

La fenêtre m’offrait un grand arbre clairsemé par la pluie d’automne, et qui répondait au sommeil des enfants. La pièce était comme ça, très haute, accrochée à un mur de vertige. Il fallait se pencher pour deviner, à son pied, une rivière.

J’étais seule. Et bien que l’arbre m’invitât délicatement au bonheur, j’ignorais à demi le goût de cet après-midi sans fièvre. Tout s’était miraculeusement écarté autour de mon désir d’écrire. Le quotidien perdait l’âpreté de ses contours, comme s’il n’existait plus qu’à travers une vitre de verre dépoli. J’écrivais un rêve qui lentement faisait des cercles autour de mon cœur. C’était un rêve qui disait adieu. Je prenais le temps de dire la lumière de ce rêve, de convoquer encore une fois la maison perdue.

J’écrivais. Je savais bien que c’était rare, d’écrire ainsi dans le silence et l’orbe d’un feuillage frêle, dans la douceur de ce qui va bientôt finir. C’était un instant d’immobilité illusoire, de discret basculement. Pourtant, je ne savais pas, je ne savais pas suffisamment,  que c’était si beau, si précieux, d’être ainsi suspendue à la croisée des choses.

Je guettais, en écrivant – j’attendais presque –  le réveil des enfants.

 

arbre haute loire