Je voudrais écrire un poème au poème de Chloé

Dans le dernier numéro de Traction-Brabant (n°80), la revue dirigée par Patrice Maltaverne, est publié un poème de Chloé Landriot qui commence ainsi:

« Cet instant est un poème.

Ce que je pourrais en dire ne serait qu’un lointain aperçu de tout ce qu’il contient.

Je me fais la réflexion que pour une fois, c’est moi qui suis venue rejoindre la chatte. Je me suis accoudée à la fenêtre  ouverte où elle m’a précédée pour regarder tomber la pluie.

Les gouttes épaisses sont sans violence: à l’oreille, je sais que cette pluie est bonne. Je pense au jardin. Je suis tranquille.

Quelque chose se fait sans moi. (…) »


Ce poème est si beau qu’il mérite que l’on commande ce numéro pour le lire en entier, avec un autre poème de Chloé qui s’appelle « Où la mort est l’horizon ».

 Parfois la littérature est une porte qui s’ouvre sur l’inconnu, parfois c’est un miroir où l’on se reconnait si intimement que la voix du poète donne corps et chair à celle toute engourdie qui demeure en soi. Réveillée soudain à la lecture de ce texte, cette voix en moi a voulu formuler cette façon si douce de recevoir un poème, pour dire merci, simplement.

Je voudrais écrire un poème au poème de Chloé.

Nous avons des instants qui se ressemblent, épais des mêmes ciels et du bruit des enfants.

J’entends comme en écho, la beauté.

Nos chats peut-être se regardent de lointaine fenêtre à lointaine fenêtre.

Je voudrais écrire un poème au poème de Chloé, écrire son écume qui mousse mon silence. Je voudrais effeuiller-  infiniment – sa pluie d’encre qui n’est pas mienne mais si proche si proche de mes ruissellements secrets.

Je laisse sa voix rousse se promener longtemps au mur de mes pensées, et la première étoile entre ses derniers mots, demeure.

Une voix jumelle

Grâce à Quyên qui nous avait fait connaître la poésie de son amie Chloé Landriot sur Frogsblog, plusieurs joies (Merci!):

Un Récit, Polder n°174, publié par la Revue Décharge,  illustré par An Sé

qui m’a d’abord transportée parce qu’une onde lumineuse y fait sa route et que le monde entier est raconté! si, si! Mais Quyên le présente si bien que je me tais, cliquez donc ici,

Puis

Vingt-Sept degré d’amour, publié chez Le Citron Gare, illustré par Chloé et sa mère, Joëlle Pardanaud

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dont je ne saurais que vous dire sinon qu’il faut le lire, le lire encore car c’est si beau, si féminin, si juste, si délicat, si neuf et pourtant c’est Nerval et puis Verlaine et peut-être aussi Apollinaire, Eluard (j’espère) qui se sont donnés rendez-vous pour saluer cette voix-là, toute fraîche, sans détour- pas une ombre, non, c’est de l’eau. Lisez vraiment car jamais rien n ‘y pèse qu’un coeur comme une plume lestée seulement par la vérité. L’amour est le point cardinal, sous toutes ses couleurs: la poétesse y est amie, fille, mère et épouse toute présente aux autres. Une présence intime, fragile, véritable, singulière, sincère.

Voici deux courts extraits des poèmes de l’amoureuse qui, particulièrement, m’émeuvent:

 

« L’un pour l’autre nous sommes

Merveille

Cette étrange présence

Qui ne s’habitue pas. »

 

_______________________________

 

« J’avance encore à tes côtés

En tenant par la main

Cette chance imparfaite et boiteuse

Cette chance. »

 

Quant aux poèmes de l’amie, ils me parlent à un point… Magie de celles et ceux qui trouvent les mots pour dire ce qui vibre mystérieusement en chacun -en moi, en tout cas, je le sens. Voici celui qui me bouleverse, pour son atmosphère, et tant il dit la façon dont une amitié peut colorer l’instant, l’empreindre de nostalgie, mais aussi de bonheur.

 

Encore une pluie

Au mouvement des feuilles on reconnait d’abord

La pluie c’est une pluie sans goutte qui bruisse à peine

Derrière la fenêtre c’est le cœur chaud des arbres

Qui s’ouvre et qui délivre un parfum de terre fraîche

 

Bientôt des femmes courent pour retirer les draps

et je songe aux draps blancs qui sèchent dans un poème

De Heine qui s’appelle « Mon cœur », « Mon cœur est triste »

Mein Herz, mein Herz ist traurig il y a là

 

Des draps blancs qui sèchent sur l’herbe verte

Et Quyên m’avait demandé ce jour là

Pourquoi on mettait les draps dans l’herbe pour les faire blanchir

Je n’en savais rien mais sa seule question

Etait une preuve d’amour et une invitation à rire

 

Les cordes à linge sont vides il n’y a plus personne

Que les arbres qui tendent leurs feuilles assoiffées

Un poème de Heine et puis mon amitié

 

 

 

Et

une soirée de lecture à la Maison pour Tous, où j’ai découvert la voix délicate de Chloé  – c’est elle qui avait organisé cette soirée- et celle aussi de Laurent Bouisset, sa colère et son ardeur à aimer la vie au point d’enrager de la voir s’abîmer de laideur, parfois. Il a écrit

Dévore L’attente , publié chez le Citron Gare, images d’Anabel Serna Montoya

Dévore l’attente, Laurent Bouisset

Vraiment cela brûle, lisez-le, tant pis si cela brûle car l’attente est stupide.

Felipe

« Felipe, lui, s’en fout d’écrire ou de jouer,

Il voudrait que son père dise qu’il est né

 

Rien que ça, que son alcoolique de père

Quitte la cantina où il s’épuise

et le crache au soleil enfin, qu’il est bien là!

 

[…]

 

Je le vois déborder de gentillesse, ce gosse,

imaginez, c’est désarmant…

C’est pire que ça.

C’est du sel sur une plaie à vif,

de percevoir en lui tant d’innocence »

 

Il y avait aussi Patrice Maltaverne –éditeur de la revue Traction-Brabant qui avait pris le train de pour venir, sa démarche est honnête et c’est la sienne, c’est admirable. Il propose à ces voix nouvelles, parce que seulement il les aime, une nouvelle voie. Cette voie c’est Le Citron Gare. Prenez votre billet, le voyage vaut la joie. Si vous voulez lire Chloé, ou Laurent, il faut  passer commande: p.maltaverne@orange.fr

 


(Ces mots-là sont les miens mais ils sont pour eux tous, pour Laurent Bouisset, pour Chloé Landriot – pour sa voix jumelle)

Une voix jumelle

La salle était blanche c’était à la Maison Pour Tous

Un poète a dit pour tous en scandant les syllabes

Pour tous c’est un beau nom

Car c’est cela qui compte

Voilà ce qu’il a dit

Pour tous il l’a répété plusieurs fois

J’aimais l’écouter dire ces deux mots-là

Car les consonnes sonnaient lourdes de sa conscience

 

C’était une belle soirée

Très simple

Dans la salle blanche moi j’étais dans un coin

Petite

Je savourais le luxe de ne pas exister – presque pas

D’offrir mon oreille

De recevoir des mots que je n’avais pas eu à choisir

Et qui me parlaient

Peut-être sans me voir – quelle joie!

Je n’existais presque pas mais je me sentais vivre

 

Parce qu’il y avait une voix grave que j’aimais

Celle qui disait pour tous

 

Il y avait

Surtout

Une autre voix

Nouvelle et pourtant

Cette voix

Je la sentais jumelle