Pour la dernière soirée en date chez Mots et Merveilles (libraires et librairie merveilleuses à Sainte Foy l’Argentière), il fallait écrire quelque chose de court avec 10 mots (c’est maintenant une coutume!). J’avoue qu’en relisant mon texte, après la soirée, j’ai ôté quelques mots qui étaient trop mal intégrés, mais je donne la liste initiale pour ceux qui voudraient jouer:
vendange – arabesque – calcédoine – décaféiné – chlorophylle – confession – cariatide – sublimer – surfiler – turlupiner
- Je repousse toujours le moment d’écrire. Quand une image vient tourner en moi, confusément, obstinément, attendant que je tire le premier fil de cette pelote informe qui la constitue, une tâche urgente vient généralement me sauver. Une tâche triviale que rien ne pourra jamais sublimer: du ménage, une lessive à étendre, un rendez-vous à prendre – sans surprise, le rendez-vous! Ô joie! Me voilà bercée par la musique rassurante et sans charme de ce qui n’exige pas de se pencher au-dessus de l’inquiétante boue qui clapote à l’intérieur de soi, avant que ne surgisse, enfin, la calcédoine dure et lisse, impassible et brillante, des mots choisis.
- Quand je pense à écrire, il a toujours des arbres dans ma tête. Simultanément. Je ne puis dire laquelle de ces deux pensées précède l’autre. Écrire – et voilà que jaillit l’arabesque d’une branche au dessus d’un rayon. La grâce étoilée d’un châtaigner en juin. L’élan des peupliers dont j’imagine la sève vive et la chlorophylle comme un produit des fées qui argente les feuilles aux bourrasques du vent. Le cœur chaud des grands chênes dont les troncs-cariatides soutiennent le ciel amolli de chaleur. La toute première feuille dans la vigne, en avril, qui prend toute la lumière et ne pense pas encore à la vendange. Un arbre – et voilà que s’ouvre le désir.
- Après l’écriture, dont je ne peux pas parler parce que la facture de ce moment m’échappe continuellement, je me sens fatiguée et heureuse comme si javais bâti une maison, une église, alors que ce n’est souvent qu’un poème, un pauvre poème, qui ne survivra pas à la première relecture.