Il faudra bientôt rallumer les calorifères

Les mots du soirs étaient:

Perséides – centaures – hirsute – anophèle – entonnoir – recaler – calorifère – Arlequin – jardinet – ciboulette

Nous sommes bien amusés, encore une fois!


 

Le secret du matin s’est évanoui plus vite que les perséides, caressant à peine sa tête hirsute. Il faudra bientôt rallumer les calorifères. Seule pensée assortie sourdement à la déception d’avoir manqué l’aube. Enfuies les rêveries de l’entre-deux mondes! Les centaures sont passés, Arlequin a eu le temps de s’effacer tout à fait. Il n’y a plus que le jour cru qu’il faudra boire, à l’entonnoir, si nécessaire!

Une anophèle l’agace, vague menace dans le silence de cette fin d’été. Elle regarde dehors. Le jardinet est jaune. Tout a grillé. Il faut dire qu’elle n’a fait que rêver, au lieu d’arroser, recalée qu’elle aurait été à l’examen de la bonne jardinière!

Elle se prend maintenant à regretter la pluie dont elle a oublié le goût et le bruit, comme les odeurs mêlées d’herbe mouillée, de menthe et de coriandre. Et la délicatesse des feuilles! Et la détermination de la ciboulette! Souvenirs de printemps avant le grand feu de juillet et d’août… Il est temps, finalement, que septembre revienne!

La hase de Collonges-La-Rouge

Double jeu: voici une histoire vraie racontée avec les dix mots proposés par Mots et Merveilles, qui est aussi merveilleuse que son nom. Les mots étaient: Collonges-La-Rouge, Hase, cerise, Jacques Prévert, concocter, farfelu, spiritisme, substantif, Marie-Antoinette, folâtre. et puis au passage, comme l’histoire se passe essentiellement sous la douche, je glisse ce récit au programme de l’agenda ironique de mai, proposé par Valentyne, coquine ou libertine, puisqu’il fallait être nu.


C’était pour une soirée dans une jolie librairie que vous connaissez peut-être. Il fallait concocter une histoire avec dix mots plutôt… farfelus. Cela faisait longtemps que j’y pensais mais les idées avaient à peine le temps de s’esquisser qu’il fallait moucher un petit nez, corriger un paquet de copies, faire à manger, lire une histoire, préparer un cours… Et alors, tout s’effondrait, l’idée disparaissait. Adieu la plume, bonjour la vie.

Mais ce matin, alors que j’étais sous la douche, il y eut un début de quelque chose qui aurait bien pu faire un début d’histoire. Notez que mes histoires naissent souvent sous la douche : soit qu’elles aiment l’eau, soit qu’elles aiment être propres, soit qu’elles aiment être nues ! ( D’ailleurs si vous voulez savoir à quoi ressemble une histoire toute nue, il faut vous rendre chez la Jument Verte ) Je me souviens que le mot hase résonnait en silence, tout simplement parce que c’était le premier des dix mots. Je me demandais ce qu’avait fait la pauvre bête, pourtant ni plus, ni moins gracieuse qu’une autre, pour se trouver affublée d’un nom –d’aucun dirait un substantif – aussi laid. Est-ce le h pourtant muet ou la gravité un peu trainante de son a qui ôte à la hase la douceur de son « z » final ? Je ne sais pas  mais je faisais le constat que si La Fontaine et Prévert s’étaient penchés sur le lièvre, la hase qui pourtant, elle, n’était ni paresseuse ni folâtre comme son véloce mari, avait été oubliée par les poètes. Il y a avait bien eu Apollinaire mais le poème était raté, triste hommage dont une petite hase ne se satisfaisait pas et comptait bien aller réclamer justice. Elle vivait, cette hase et féministe et littéraire … (l’histoire commençait à s’emballer alors que la mousse moussait et que la douche allait bon train, elle aussi, à l’extérieur de moi) qui vivait, disais-je, dans un terrier modeste près de… Collonges-la-Rouge (tiens, et pourquoi pas ? C’est joli Collonges-la-Rouge, ça met un peu de rose aux joues à mon histoire de Hase, et ça fait un mot de plus en moins !)

Soudain, mon château rouge de hase lésée s’écroula, ne résistant pas au grincement de la porte de la salle de bain qui s’ouvrit sans crier gare (mais a-t-on jamais vu une porte prévenir avant de s’ouvrir ?), et ma fille du haut de ses trois ans apparut, dodue et déterminée : il lui fallait du scotch ou je sais plus exactement quoi d’autre de nécessaire à la confection d’un rien-du-tout capital pour quelques et secondes au moins, et qui finirait abandonné quelque part, de toutes façons, soyons réalistes. Remarquez le sens de l’à propos des enfants : il est certain que toutes les mères du monde vont prendre leur douche avec toute fourniture utile en cas de velléité créatrice subite et que, donc, aller d’abord demander à Papa, qui lui n’est pas sous la douche, ne semble même pas une option, croyez moi, croyez-moi pas. Et puis quoi, ne nous prenons pas non plus pour Marie-Antoinette et gardons la tête sur les épaules: prendre une douche tranquillement n’est pas un luxe donné à tout le monde !

Camille repartit, un peu déconfite, tandis que moi, non moins déconfite d’avoir laisser filer ma hase de Collonges-La-Rouge dans le siphon de la douche, je me livrai en me séchant à une séance de spiritisme improvisée, demandant aux esprits de la salle-de-bain de bien vouloir se faire pardonner en me chuchotant une petite histoire vite fait, bien fait, pour compenser la perte de celle qui pourtant, n’était pas mal partie. Seulement, tout le monde sait que les esprits, ça n’existe pas. De ce fait, en lieu et place des quinze lignes exigées, vous n’aurez que des queues de cerise !

En quinze lignes et dix mots

Juste pour rire, il fallait écrire en quinze lignes maximum un texte comprenant les mots suivants:

autruche -tagliatelle – alpha -Madame Bovary -maquiller – carte – coudre – pharmacie – ivresse – ringard

A tous ceux qui veulent jouer aussi, vous pouvez déposer le lien vers vos articles respectifs en commentaire de ce billet. Je ferai un petit recap’ de vos propositions. La variété des résultats me réjouit d’avance et j’ai hâte de vous lire.

Voici les deux façons que j’ai trouvées pour me sortir de cette affaire-là. La première est un peu copiée-collée, Flaubert doit se retourner dans sa tombe!

***

Les calculs d’un apothicaire

Ce jour-là, Madame Bovary s’est rendue, la mine basse, et le cœur désormais privé de l’ivresse des espoirs, à la pharmacie. Justin, l’arsenic (oh, à peine un dé à coudre – cela fait son office), l’agonie – fin. C’est Rodolphe qui a donné le coup de grâce, malgré sa consistance de tagliatelle trop cuite. Il n’a pas maquillé son indifférence et elle, elle s’est mangé la poudre à mourir dans la main, puisqu’il n’y avait plus rien à manger dans la main de Rodolphe. Bref, on connait l’histoire, inutile de la raconter.

Mais ce que tout le monde ignore, parce que Flaubert ne raconte pas tout quand même, sinon ça se saurait, c’est qu’Homais, pendant qu’Emma meurt, pense à son arrière petit fils. Il l’imagine paradant dans une luxueuse pharmacie parisienne. Il en crèverait de jalousie, si le rôle n’était pas déjà pris, parce qu’il voudrait bien que la gloire n’attende pas l’arrière petite génération pour frapper à sa porte. Il songe avec inquiétude que, s’il n’abat pas rapidement une nouvelle carte, il demeurera un provincial aisé, mais un peu ringard. Et Homais fait des calculs d’apothicaire, table sur sa chance pour entrer dans le beau monde, remâche quelques phrases ampoulées pour un prochain article. Il fait d’ailleurs un peu l’autruche (ce qui, soit dit entre nous, ne fait pas de lui un bon pharmacien mais lui donne un sacré potentiel en politique), oubliant cette histoire d’arsenic qui pourrait ne pas lui faire la meilleure des publicités. Et, alors que l’héroïne, à demi suicidée encore, se dresse une dernière fois à côté de lui, les yeux exorbités et la langue répandue, avant de s’abattre, morte pour de bon, enfin, sur le lit, il poursuit, impassible, sa réflexion : « Allons, Homais, de la pompe et du cirage de pompe, voilà l’alpha et l’oméga du succès ! »

Salade de pâtes/pattes

Mademoiselle l’autruche, la pin up du troupeau, l’alpha et l’oméga de l’élégance dans le monde des autruches, celle dont les pattes sont si longues qu’elle regarde tout le monde de haut, est un peu déplumée. Trois fois rien, un creux dans le plumage pas plus gros que ça, oui, voilà, comme ça, à peu près. Enfin vous voyez, ce n’est pas grand-chose. Seulement cela l’inquiète. Si on ne le lui avait pas fortement déconseillé à la pharmacie, elle se serait maquillé l’arrière-train, histoire de faire illusion. Parce que depuis que ses plumes se sont fait la belle, elle, elle ne la fait plus, la belle. Elle ne provoque plus cette ivresse, ce désir irrépressible chez messieurs les honorables autruches mâles (j’aurais volontiers dit autrucheaux ou autruchons, mais j’ai vérifié, cela n’existe pas !). Il n’y a plus que ce ringard d’émeu qui se tord le cou pour lui faire de l’œil. « Qu’il se calme, pense-t-elle, même déplumée, je ne cèderai pas aux avances de ce volatile pleurnichard (c’est vrai que les émeus ont la larme facile). Il a les membres bien trop courts, pardonnez-moi ! Et s’il a le feu aux plumes, qu’il lise Madame Bovary, cela refroidira ses ardeurs ! »

Oui les autruches et les émeus lisent, et savent coudre aussi, mais ils ne jouent pas aux cartes et c’est ce qui les différencie principalement des tagliatelles, qui, elles font les trois, comme toutes les jeunes filles de bonne famille. Quant à dire que les bonnes jeunes filles sont des tagliatelles de famille, d’ici, il n’y a qu’un pas : sautons !