Le testament – Agenda ironique de Décembre

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A vous, (dont je me fiche comme de mon arrière grand chien à la mode romaine, mais c’est tout de même triste de partir sans faire de testament dans lequel malgré tout je m’efforcerai de dire la vérité,)

 

(Étant agonisant, vous pardonnerez les soubresauts de mon langage qui, de plus en plus, déraille comme la boisson dans son bocal. Quant aux prothèses en abondance,  ma foie de volaille, je n’y peux rien. Et puis, ça vous arrivera, à vous aussi. Merci de votre malédiction.)

D’abord je sais bien comment vous allez m’enterrer. Ce ne sera pas très simple (puisque vous aimez les chihuahuas)  mais assez rapide, comme l’autoroute et comme d’habitude : cotillons – flonflons – couic.  Salut la marmelade.

Et puis, au réveil, vous aurez la soupière en carafe. Çà aussi, ce sera comme toujours. C’est triste de penser que ma mort n’aura rien d’original. Pomme d’api.

 Je sais aussi ce qu’on dira de moi: « Tu nous as collé au lampadaire comme une pomme accrochée à sa botte en cuir. On a  bien mis un an à se débarrasser de toi ! Et avec ça, pas un rond, ni rouge, ni vert, rien! que des ennuis ! Bon ventre ! » Personne n’échappe à vos langues de pipe, c’est la couture, chez nous.

C’est pas que j’ai le melon jaune moi, je sais bien que je n’ai pas toujours été à la hauteur d’échelle, mais enfin, c’était pas si pire. Et le prochain, là, le petit nouveau, celui qui débarquera de son Get 27 à la seconde, oui à la seconde où j’aurais passé la cruche en l’air, cet ado blanc comme un chiffon propre, il ne fera pas mieux, pas pire. Seulement, vous allez croire en lui, le temps de quelques rasades de champagnon des bois. Vous allez tirer des plans sur la maison des voisins, et rêver. Rêver…comme des limaces un jour de grève. Quelques minutes tout au plus. Une souris verte et puis voilà.

Après, vous prendrez de bonnes distributions, et le champagnon aidant, elles seront de plus en plus incroquables, mais tant pis, ce sera le moment ou jamais pour cramer. J’imagine déjà vos messes :

  • Je ne vendrai plus la boite en fer avant de l’avoir jeté par la fenêtre.
  • Finie la cigale, j’arrête ! et la colle aussi !
  • Il ne faut plus prendre les parapluies pour des sirènes (et vous rajouterez, convaincus et convaincants : « non d’une pipe en boîte ! », et tout le monde sera content parce que les pipes sont toujours trop aventureuses).

Ensuite, comme vous n’aurez pas encore arrêté la colle, ni le poids chichon (c’est toujours pour le lendemain ce genre de choses ; croyez-moi,  je m’y connais en jours qui passent comme vache qui pisse: c’est mon fonds de compère et ma guillotine. Tontine), ça va devenir coton comme devant. Voyez donc :

  • Il faudra prendre le bus de paner de bon froments avec les jantes qu’on aime.
  • Je ne mâterai plus de chochos là avec déchet.

Bref, je ne fais pas toute la piste, parce que vous la ferez vous-mêmes d’ici peu, et je ne la ferai pas même si, quand vous lirez ce document (qui pourtant se situe bien plus haut que sa deuxième syllabe et ne dit rien que le verre et le thé), vous l’aurez sans doute remisée aux balayettes.

Enfin, puisqu’on s’est tout dit, ou presque, et que toutes façons c’est trop rat, je vous ivre mes derniers chimpanzés :

Que 2018 vous assaisonne la cervelle comme vous m’avez  ourdi les mireilles.

 

Signé : 2017


Ecrit pour l’agenda ironique de décembre : « Non d’une pipe en boîte, il ne faut plus prendre les parapluies pour des sirènes », dont Anne a formulé la consigne en toute limpidité ici, après qu’on ait ensemble chuchoté à l’oreille des orangs-outangs.

Les poches – Histoire naturelle et fantasque d’une famille qui n’a pas toujours la vie facile.

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A Joséphine et M. Paresseux, dont les histoires de poches, d’hommes, de femmes et de bouts du monde, sont les mères de celle-ci !

Les poches. C’est une grande, grande famille, si grande qu’elles sont toutes plus ou moins cousines mais ne se reconnaissent pas toujours entre elles. D’ailleurs, on n’a jamais vu une poche en saluer une autre. Elles sont toutes parfaitement inciviles, occupées, concentrées sur leur quant à soi, sur les petits secrets dûment, ou indûment, déposés en leur sein. Elles savent l’importance de leur mission, qui pèse parfois comme le rocher de Sisyphe. Leur seule résistance, c’est de ne plus résister, et de percer. Tout lâcher, et tant pis pour celui qui avait présumé de leur force.

Malgré leur cousinage, elles ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Les plus distinguées sont, sans doute, celles des montres à gousset. Mais ces poches-là sont un peu désuètes. D’autres, plus contemporaines, ne s’abiment pas trop les coutures : elles se dorent, insouciantes, au frottement des billets de banque – seuls objets au monde à se faire plus légers à mesure qu’ils s’accumulent. Celles-là, de poches, sont assez coquettes, en général. Pas trop d’effort à fournir. Puis, on en prend soin, on les fait proprettes, même quand elles contiennent de l’argent sale, qui naturellement, n’a pas d’odeur. Elles ne sont pas incommodées, vous comprenez, et c’est un facteur essentiel pour leur espérance de vie. Alors elles durent, elles durent tant que c’en est exaspérant – même pour leurs possesseurs qui en changent souvent, cherchant toujours des poches plus neuves, plus tape-à-l’œil. Et hop, les billets iront ailleurs, tant pis pour les bons et loyaux services, au placard la poche !

Ces poches à grosses coupures narguent parfois les poches à petit bazar. Vous savez, celles à qui le commun des mortels confie, sans y penser, les trousseaux de clés empesés et saillants, les mouchoirs souillés, les portefeuilles aux multiples cartes de fidélité qui ne se rappellent plus à quoi elles sont fidèles, les lourdes piécettes de deux sous, les tubes de rouge à lèvre, les briquets, et même les vieux mégots. Ces poches surexploitées ne font pas de vieux os. Elles s’étirent tout ce qu’elles peuvent pour crever au plus vite. Non mais ! Monsieur et Madame Sans-Gêne, vous récupèrerez votre mini-brocante dans la doublure de votre manteau. Oh, vous pouvez me recoudre, je crèverai encore, car ma crevaison est un acte politique ! Les poches crevées, on peut les entendre chanter l’Internationale des Fourre-tout ou la Chanson du Mal-aimé (pour les plus lettrées, celles qui ont déjà eu un vieil Apollinaire écorné à méditer) ; mais il faut tendre l’oreille.

Il y a aussi les vieilles poches, celles qui trainent les litrons ingurgités au hasard des trottoirs, et celles qui s’accrochent à un habit hors d’âge, mais que l’on porte malgré tout, et malgré les trous – ou pour les trous, que l’on aime parfois assez tendrement. Les histoires d’hier qui les ont traversées, transpercées, se font sentir dans la déchirure qui caresse les doigts glissés. Les poches trouées ont la délicatesse, aussi, de laisser passer la lumière. D’autres poches crevées attendent désespérément les poings d’un petit poète rêveur, marcheur, ou d’un autre, fugueur, rimeur. Parce que chez les poches crevées, c’est le fin du fin d’être une poche de bohème.

Pensons encore à cette autre branche du grand arbre généalogique de la famille des poches, celle des poches à petits bouts du monde. Les femmes en portent un bout, du monde, dans leur main délicate. C’est lourd, un bout du monde, pour leur bras maigrelet. Elles voudraient bien pouvoir le poser de temps en temps, mais elles trouvent l’homme trop incapable, trop oublieux. Chaque homme a, lui aussi, son morceau de monde et ce n’est pas facile non plus, même s’il a  des bras costauds, parce que l’homme a des poux et qu’il ne peut pas se gratter la tête avec un morceau de monde dans la main. Il trouve la femme trop étourdie, elle va tout mélanger, son morceau de monde avec les serpillères et les doudous des gosses. Non, vraiment, c’est impossible. Alors que font ces hommes démangés par les poux et ces femmes chétives ? Ils cherchent une poche. Une poche de confiance, solide. Une belle poche quoi. Pas facile à trouver, les poches de ce type-là. Forcément, elles connaissent leur destin et tentent d’y échapper, en vain. C’est comme cela que ç’a été écrit : elles sont faites pour ployer sous le poids de tous les bouts du monde délaissés par les hommes et les femmes.  Et c’est une sacrée cacophonie dans leur intimité de poche. Si l’on regardait bien, on y verrait des conflits, des trucs sanglants, des enfants morts de faim. Mais personne ne regarde jamais, c’est trop vilain. Les poches à bouts du monde pleurent souvent très fort, mais on n’y fait pas attention. Il faudrait qu’elles aient une mère pour les consoler ; seulement, la mère des poches à petits bouts du monde, on la cherche encore*.

Enfin, les plus chanceuses, car toutes n’ont pas un destin si tragique, ce sont les petites poches des tout petits enfants. Oh, il ne faut pas qu’elles craignent d’être salies, mais elles sont les gardiennes de tous les trésors glanés, gardés, aimés. Un caillou en cœur, ou même pas, juste un caillou. Un pissenlit fané. Une feuille ni jolie, ni fraîche. Une feuille est un trésor en soi. Un petit bâton, tout doux dans la main. Une poignée d’herbes longues. Ce sont les bouts du monde que ramassent les enfants. Ils sont déposés là, dans l’ombre protectrice d’une petite poche, avec soin, avec tendresse. Les enfants ne s’en débarrassent pas. Ce sont des éclats de joie et les poches enfantines font bien attention à ces joyaux pour lesquels personne ne se battra jamais. Ils sont légers comme des nuages. Les petites poches, complices des petits enfants, ne dévoilent pas toujours les précieux secrets. Alors, l’histoire finit, tambour battant, dans une machine-à-laver.

*M. Paresseux mène son enquête, parait-il, nous attendons des nouvelles.

Playlist pour l’agenda ironique de mai dans « Chère Carli Blabla »

Pour l’agenda ironique de mai, orchestré par Marianne et Alphonsine! Et si vous souhaitez lire les oeuvres des autres paroliers et parolières, Alphonsine les recense ici!


Chère (c’est pour la formule, entends-le bien) Carli Blabla,

Il fallait composer avec toi ! Oui, oui, l’agenda ironique a ses exigences et n’a pas froid aux yeux. Parce que, bon, composer, en musique, à partir de, à propos de la musique, et même insérer des titres de chansons dans nos compositions, c’était une consigne tout à fait acceptable. Je dirais même que ça l’était trop, acceptable, et notre Madame Auguste, devenue, soit dit entre nous, schizophrène ce moi-ci (à moins qu’elle ne se soit hologrammée, c’est plutôt bien vu en ce moment), en était bien consciente. Il fallait corser l’affaire et réveiller l’insolence des saltimbanques qui suivent la roulotte. Alors, Carli Blabla, Madame Auguste à quatre mains t’a tout bonnement repiquée, paf, au cœur du sujet ! Toi, et ton petit air qui pleurniche trop.

Et moi, pauvre troubadourine (tu noteras le néologisme, Carli), j’ai du t’écouter, et te réécouter –moi qui étais plutôt Chopin, Mano Solo, reggae et jazz manouche. Du coup, je n’ai été très gentille, Carli. Tu le comprendras aisément, j’étais un peu agacée (voire suffoquée, et pour une narine, c’est un cas extrême) par ta voix d’innocente et ton petit Nicolas sous le bras. Tant pis, n’est-ce pas, et c’est de bonne guerre, parce que, maintenant, à force de chercher à calquer à la lettre tes alexandrins (quand même, des alexandrins, Carli !), tes rimes et tes refrains – pour retourner tout ça droit à l’expéditrice, il va sans dire – ta chansonnette, je l’ai dans la tête !

Salut Carli, sans rancune, ou presque.

Mme Narine

PS 1: En pièce jointe, reçois, comme une pluie de grêlons, ta petite chanson réarrangée par mes soins.

PS 2 : Pour ceux à qui cette lettre n’est pas destinée mais qui la liront quand même, je leur propose de passer le temps en cherchant ma playlist dans les méchants couplets qui suivent. Les solutions seront données ce dimanche dans un autre billet (la plupart vous sont servies sur un plateau) !

Il y a des ritournelles qui ne disent pas grand-chose,

Qu’une brune fredonne, l’œil et la voix morose.

On s’répète en pleurant que c’est pas du gâteau (Mano Solo),

Que les rêves du cœur (Mano Solo) vraiment ne tiennent pas chaud.

Pourtant quelqu’un m’a dit

 

Que tu chantais encore…

C’est quelqu’un qui m’a dit que tu chantais encore,

Serait-ce possible alors ?

 

Il y a des voix suaves qui ne valent pas deux sous

Qui épousent un ripou en nous f’sant les yeux doux.

Parait que le bonheur est à portée de main

Mais il est où le bonheur (C. Maé) ? Nous sommes déjà demain…

Pourtant quelqu’un m’a dit

 

Que tu chantais encore…

C’est quelqu’un qui m’a dit que tu chantais encore,

Serait-ce possible alors ?

 

Mais qui est-ce qui m’a dit que vraiment tu partais,

Qu’on ne vous verrait plus toi et ton p’tit mari ?

J’entends encore la voix qui hier me disait

Qu’le temps d’tes ritournelles, ce serait bien fini.

Pourtant quelqu’un m’a dit

 

Que tu chantais encore…

C’est quelqu’un qui m’a dit que tu chantais encore,

Serait-ce possible alors ?

 

On me dit qu’le grand bal (Têtes raides) de la vie peut-être rose

Que les tristes pantins trouveront porte close.

On me dit qu’aujourd’hui le ciel se fait beau

Que le temps des cerises (J-B. Clément/ A. Renard) ce sera pour bientôt…

Pourtant quelqu’un m’a dit

 

Que tu chantais encore…

C’est quelqu’un qui m’a dit que tu chantais encore,

Serait-ce possible alors ?

Naviguer entre les lignes

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« Larguez les amarres ! »

Je pars, tenant serré le bord de ma petite embarcation. Je l’ai faite de bravoure –  d’aucuns diraient de bravitude (mais l’ironie moqueuse ne doit pas être de ce voyage-là – ah si ?). De bravoure, disais-je, pour affronter les monstres d’incongruitude. Mais comme du courage, je n’en avais pas des kilos, voilà qu’elle est modeste. Nous verrons bien, foi de marin – je dis foi, et non pas foie, car je ne peux pas promettre tout à fait son état, à ce foie là, après ce long voyage qui nécessitera, plusieurs fois (ou foies, ça marche aussi ici) sans doute,  une lampée de mazout, de rouquin si vous préférez – et profitons que le vent me jette  malgré moi dans l’aride océan.

J’ai dépassé les premières lignes, les voiles se gonflent d’un peu de correctitudes  qui passaient là, fortuites et bienvenues. Mais déjà, je rame ! Plus de vent ! L’île aux Délices joue à cache-cache avec l’horizon. J’avance à la sueur de mots pleins de sollicitude, et l’encre rouge s’empèse de désespoir. Un peu de café noir en attendant le vent. Gardons la bibine pour plus tard.

Je transpire devant l’attaque brutale, mais prévisible, de vagues rugissantes qui hurlent en bleu turquoise qu’il y en a assez de la syntaxitude et qu’elles veulent la libertitude (bon, bon, soyons honnêtes, respecter en lieutenant toutes les règles, toutes les consignes, toutes les contraintes, s’avère parfois répétitif, un peu pataud, et pas très beau, non ?).

Alors je rame, je rame avec mes pauvres planches vermoulues de concordances, de participes, d’accords, de synonymes, de propositions principales et subordonnées. Elles sont tristes et sérieuses. Elles tentent de ramasser, après chaque vague révoltée, les cadavres des passés simples écrabouillés.  Heureusement, le temps se lève, car c’est tristement panne sèche. Plus de mazout, de bibine, de rouquin! Plus de café non plus. Il fallait bien tout ça au cœur de la tempête.

En accostant, je savoure d’ultimes vaguelettes qui chantent la fantaisie, qui susurrent quelques mots nouveau-nés, au charme déluré. L’île aux Délices est là : terre de repos, sacrée. Je jette l’encre rouge en m’essuyant le coeur.

Fin de la correction. Mon  tout petit bateau, plus frêle que jamais, se repose au roulis des poètes. Il est bien fatigué, mais ce n’est rien, avec un peu d’humouritude, je vais lui refaire une santé.


Très grand merci à Carnetsparesseux 

Qui lança le jeu

et puis à l’écri’turbulente

Qui accueille des bateliers la chanson lente!

MON COUP DE COEUR pour un autre voyage chez Frog

Pour découvrir d’autres périples maritimes savoureux et choisir votre embarcation préférée, passez par cette voie d’eau!