Une joie

c’est un prolongement d’encre et de papier

c’est la pulpe de ces années de blog tenu, de blogs lus, d’échanges, de rencontres dont les écheveaux ne sont pas vides

c’est une façon de ne pas oublier que l’écriture est une forêt dont j’aime tous les arbres

c’est une douce joie et presque un souvenir où vous aparaissez

merci d’avoir marché tout à côté de moi.

Le silence des arbres, paru chez Citadel Road Editions, est maintenant disponible. Si vous en souhaitiez un exemplaire, vous trouverez ci-joint le bon de commande à transmettre à Emmanuelle Le Cam, qui a eu la bonté de me proposer l’édition de ce petit recueil poétique.

L’enfant malade

Des journées sont passées à lutter corps à corps.

La grippe sans crier gare après un mercredi au centre aéré.

Ma fille a le front chaud son mon baiser. En une seconde tout remonte des maladies déjà traversées. Je prévois instantanément les vérifications soucieuses, les rendez-vous, les remèdes, les câlins attentifs, les portes laissées ouvertes la nuit, pour entendre, et les pleurs, dans le noir, suivis des gestes automates, et les cœurs serrés d’inquiétude. Cette mémoire, c’est une science des mères qui dort pour mieux jaillir, parfois, de sous la main, soucieuse et caressante, qui jauge la température des enfants.

Des journées sont passées, assommées de fièvre et perdues pour l’appétit déserteur.

Il faut tout cela pour épuiser Camille. Pas moins, parce qu’elle sait endurer et qu’il en faut beaucoup pour soumettre son soleil intime. Camille maintenant attend patiemment que le virus la quitte, allongée, résignée. Je la regarde, ma fille, et sa pâleur la rend plus précieuse et mes bras plus utiles.

Tout est tombé des vétilles quotidiennes, de l’opposition qu’elle expérimente, de l’éducation qu’il faut faire ou du temps qu’il faut poursuivre, toujours, toujours. Ces jours en suspension ont un goût de plume et de plomb mêlés. L’enfant demeure là, miraculeuse et douce, et ses petits mots à peine articulés sont pleins de sa bonté profonde. Bien que je la couve, guettant les sursauts d’appétit et les gorgées d’eau avalées, c’est comme si c’était elle qui veillait sur moi.

Tout de Camille malade est plus tendre et plus vrai. Elle reçoit mes deux bras autour d’elle et mon cou sous son front, elle se dépouille de tout ce qui n’est pas vital. Entre nous, il y a un accord silencieux qui ressemble à celui de ses premiers moments où toute abandonnée elle dormait sur mon coeur – petite, si petite.

Mais cela devient sérieux. Le jeûne a beaucoup duré et mes larmes débordent. Elle ne mange pas, non, toujours pas, et la fièvre ne veut pas céder. Tout le reste est flou derrière ces deux observations grandes soudain comme ma vie.

Pourtant dans ces moments aigus, l’amour sort de dessous les voiles. On croit le connaitre, on croit le regarder souvent bien dans les yeux tout au-dedans de soi, l’amour, mais on ne le voit qu’à travers les secondes pressées de la vie, qu’à travers tout ce qui toujours se superpose –le repas est-il prêt, et les courses qui ne sont pas faites, le travail quand pourrai-je le terminer si je lis une histoire, la maison, mon dieu, quel désordre, et les dents, sont-elles lavées, l’école se passe bien, je crois, il faudra que je demande à la maîtresse quand je la croiserai, combien d’heures reste-t-il jusqu’à demain matin. Dans les journées malades où le temps disparaît, Camille est, sous ses grands cheveux noirs, une enfant toute offerte, toute donnée, et se laissant soigner, confiante parmi les confiantes, elle m’offre d’être, exclusivement, uniquement, complètement, sa mère. De rendre à mon amour maternel toute ma chair, toute ma pensée. C’est une rare offrande en dessous de l’angoisse.

Et puis le front un matin n’est plus chaud. Une pierre se dissout dans mon ventre. Je refais son lit blanc. Ma joie s’élance au milieu des draps en mouvement, chaude et claire. C’est une joie qui sent la lessive et par les fenêtres ouvertes, avec le vent, Les collines font pénétrer leur paix vert tendre à l’intérieur de la maison.

Tout le reste aussi s’engouffre que j’avais oublié et qu’il faut bien considérer à nouveau. Et Camille à travers une cloison, je l’entends qui ne veut pas, ne veut pas, ne veut pas. Je devine son air renfrogné qu’elle fabrique pour sa sœur et qui me sera à nouveau, à moi aussi, adressé. Parce qu’il faut en passer par-là, que c’est le chemin de sa vie. Elle reprend là où elle en était restée. Elle est guérie, Camille.

Une joie simple

A mon amie miraculeuse

Ô mon amie tu es souvent une voix qui surgit

A telle heure de ma vie

Une joie

Simple

 

Notre amitié est un pays

Parfumé et profond

Invisible mais j’y vis

 

Dans l’air épais

Qui nous sépare

Il y a en suspension les atomes

De nos rires

-Tu t’en souviens ?

De nos demains

Nous y croyons

 

Ô  mon amie

Tu es lestée

Du poids

De nos pensées jumelles

Qui s’étalent en silence

Dans le bruit des journées

 

Mon présent t’est lointain

Mais son goût  se balance

A ta voix qui surgit

Fil de cœur à cœur

 

A telle heure de nos vies

Une joie

Simple

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Septembre

Logo des jeudis poésie pour ceux qui écrivent...

Parce que jeudi, c’est poésie (et c’est Asphodèle qui l’a dit, et quel plaisir de la retrouver!), je me pare de ma robe à paniers pour l’élégant salon du jour,  et voici quelques mots, un peu trop convenus, peut-être. Mais ce sont les seuls qui viennent en cette semaine de rentrée. Je les donne à mes élèves retrouvés  et à l’année  nouvelle qu’Asphodèle vient fleurir.


 

A l’année dont la porte s’entrebâille seulement

A vos enfances que je voudrais couver

 

Tout est neuf et tremblant

Les mots pèsent de leur poids dans les paumes des mains

Et tout ce qui remue et tout ce qui se tait

Et l’odeur de la craie

Et celle des encres libres sur les pages trop blanches

 

Et viennent les semaines

Et viennent les fatigues

 

Loin sont encore les fracas de l’usure

Les pas se font timides

Et les yeux se rencontrent

 

Et viennent les semaines

Et viennent les fatigues

 

Sous vos regards las murmureront vos cœurs

Sous mes airs de bois vert il y aura

La mousse tendre des forêts, le chant de l’eau

Vous y boirez

 

Nous irons côte-à-côte nos mondes se frôlant

Dans de fragiles franges ou grandiront bientôt

Des semailles de joie et de secrets trouvés