En quinze lignes et dix mots

Juste pour rire, il fallait écrire en quinze lignes maximum un texte comprenant les mots suivants:

autruche -tagliatelle – alpha -Madame Bovary -maquiller – carte – coudre – pharmacie – ivresse – ringard

A tous ceux qui veulent jouer aussi, vous pouvez déposer le lien vers vos articles respectifs en commentaire de ce billet. Je ferai un petit recap’ de vos propositions. La variété des résultats me réjouit d’avance et j’ai hâte de vous lire.

Voici les deux façons que j’ai trouvées pour me sortir de cette affaire-là. La première est un peu copiée-collée, Flaubert doit se retourner dans sa tombe!

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Les calculs d’un apothicaire

Ce jour-là, Madame Bovary s’est rendue, la mine basse, et le cœur désormais privé de l’ivresse des espoirs, à la pharmacie. Justin, l’arsenic (oh, à peine un dé à coudre – cela fait son office), l’agonie – fin. C’est Rodolphe qui a donné le coup de grâce, malgré sa consistance de tagliatelle trop cuite. Il n’a pas maquillé son indifférence et elle, elle s’est mangé la poudre à mourir dans la main, puisqu’il n’y avait plus rien à manger dans la main de Rodolphe. Bref, on connait l’histoire, inutile de la raconter.

Mais ce que tout le monde ignore, parce que Flaubert ne raconte pas tout quand même, sinon ça se saurait, c’est qu’Homais, pendant qu’Emma meurt, pense à son arrière petit fils. Il l’imagine paradant dans une luxueuse pharmacie parisienne. Il en crèverait de jalousie, si le rôle n’était pas déjà pris, parce qu’il voudrait bien que la gloire n’attende pas l’arrière petite génération pour frapper à sa porte. Il songe avec inquiétude que, s’il n’abat pas rapidement une nouvelle carte, il demeurera un provincial aisé, mais un peu ringard. Et Homais fait des calculs d’apothicaire, table sur sa chance pour entrer dans le beau monde, remâche quelques phrases ampoulées pour un prochain article. Il fait d’ailleurs un peu l’autruche (ce qui, soit dit entre nous, ne fait pas de lui un bon pharmacien mais lui donne un sacré potentiel en politique), oubliant cette histoire d’arsenic qui pourrait ne pas lui faire la meilleure des publicités. Et, alors que l’héroïne, à demi suicidée encore, se dresse une dernière fois à côté de lui, les yeux exorbités et la langue répandue, avant de s’abattre, morte pour de bon, enfin, sur le lit, il poursuit, impassible, sa réflexion : « Allons, Homais, de la pompe et du cirage de pompe, voilà l’alpha et l’oméga du succès ! »

Salade de pâtes/pattes

Mademoiselle l’autruche, la pin up du troupeau, l’alpha et l’oméga de l’élégance dans le monde des autruches, celle dont les pattes sont si longues qu’elle regarde tout le monde de haut, est un peu déplumée. Trois fois rien, un creux dans le plumage pas plus gros que ça, oui, voilà, comme ça, à peu près. Enfin vous voyez, ce n’est pas grand-chose. Seulement cela l’inquiète. Si on ne le lui avait pas fortement déconseillé à la pharmacie, elle se serait maquillé l’arrière-train, histoire de faire illusion. Parce que depuis que ses plumes se sont fait la belle, elle, elle ne la fait plus, la belle. Elle ne provoque plus cette ivresse, ce désir irrépressible chez messieurs les honorables autruches mâles (j’aurais volontiers dit autrucheaux ou autruchons, mais j’ai vérifié, cela n’existe pas !). Il n’y a plus que ce ringard d’émeu qui se tord le cou pour lui faire de l’œil. « Qu’il se calme, pense-t-elle, même déplumée, je ne cèderai pas aux avances de ce volatile pleurnichard (c’est vrai que les émeus ont la larme facile). Il a les membres bien trop courts, pardonnez-moi ! Et s’il a le feu aux plumes, qu’il lise Madame Bovary, cela refroidira ses ardeurs ! »

Oui les autruches et les émeus lisent, et savent coudre aussi, mais ils ne jouent pas aux cartes et c’est ce qui les différencie principalement des tagliatelles, qui, elles font les trois, comme toutes les jeunes filles de bonne famille. Quant à dire que les bonnes jeunes filles sont des tagliatelles de famille, d’ici, il n’y a qu’un pas : sautons !