Incapable de respecter ma propre consigne, voilà les bavardages de mon objet fétiche. De l’ironie, vous n’en trouverez point. N’y voyez aucune ironie là dedans, et seulement un traitement libre du sujet qui invitera, je l’espère, les plumes hésitantes à se laisser porter à la fantaisie des objets objectifs que je vous propose de faire parler en ce moi juin de l’Agenda Ironique.
Je les sens, tes caresses attentives et presque quotidiennes. Dois-je te le dire? Je les aime et les espère dans mon silence inexorable qui s’adresse pourtant au profond de toi -même. Nous entrons souvent dans un dialogue intime dont les vibrations sont imperceptibles à tout autre que nous.
Le jour s’apaise enfin, l’horloge s’exténue. Ton souffle est lent au soir à se tranquilliser. Je t’accompagne, ami, vers le repos sacré, de mon immobilité étrangement émue. Tu me sais inlassablement là à t’attendre, et cela te rassure, je crois. Je côtoie la douceur d’une vieille couverture. Nous allons comme de pair dans la pièce plus belle quand la nuit noire l’étreint. Une lampe rose nous veille. Prévenante, elle absorbe et se nourrit de toute l’électricité dont l’atmosphère était chargée.
Avant que tu ne viennes alanguie me rejoindre, j’ai deviné tes pas toujours pressés, tes bras qui donnaient et te dépensaient tant que j’ai cru un moment à ta disparition. Beaucoup de voix se disputaient l’espace, tout fonctionnait à plein et la maison vivait avec vous tous dans une effervescence qui m’est totalement étrangère. Je vous tourne le dos, moi, je suis clos sur moi-même et ne peut voir le ciel qui doit s’attendrir en larmes de sang ou d’or étalées dans l’azur. Je perçois seulement la moiteur faite de sons qui se feutrent à la lumière tombante.
J’appréhende toujours cette heure en demi-teinte, décisive pour nous. Vais-je assez t’absorber que le reste s’efface ? Toi dont le corps bruit d’une agitation lasse ? Tu n’es pas encore prête à te laisser posséder me disent tes regards qui vont trop vite ou se fixent sur l’un de mes nombreux points vides. Tu tentes d’entrer dans nos silences fertiles en promenant tes doigts sur la tranche ou le fil de mon corps comme une voile toute gonflée par le vent puissant des choses imaginées. Tu me cherches et je t’attends. Le jeu peut durer un moment, surtout si une voix enfantine surgit loin là-bas dans le couloir consacré à vos sommeils d’humains. Tu me poses précipitamment alors, mais à regret, je le sais bien. Je pardonne tous tes abandons; ai-je le choix? Parfois aussi, tes yeux ne sont plus que des vitres embuées d’un chagrin sourd qui point sans qu’il soit expliqué. Masque loyal devant tes larmes retenues, je me tais, embrassant ton âme mise nue.
Souvent, quand même, à force de caresses et de calme – cette fois tes enfants dorment -, tu me laisses entrer en toi, au delà de ce qui se peut dire. J’entends tous les échos que mon encre fait naitre, j’entends que tu t’émeus de certains de mes êtres. Je m’effeuille comme un amant offert à tes doigts désirables. Mon petit univers ne s’expand et ne se réalise qu’à travers tes pensées. Ton visage ne dit rien, que tes yeux que je lis. Ton corps se fige, ou plutôt se concentre dans tes mains qui me tiennent, dans tes yeux qui me lisent. La vie pour laquelle tu te disperses inévitablement quand tu m’oublies ou que tu me chasses – tant bien que mal – de ton esprit, se consacre aux choses essentielles qui ne bougent plus que dans ton intériorité.
Je suis ton livre aux mille visages qui te sourient. Moi seul ai le pouvoir des choses révélées. Et tes pauvres regards se tournent vers le Sens ; entre mes lignes le monde se condense. Moi seul ai le pouvoir de te ressusciter, de lever les voilures qui te cachent à toi-même.
Un poème en alexandrins caché dans le verbiage de ce livre un tantinet sûr de lui? Je suis sûre que vous l’avez vu… Mais s’il vous restait un doute, le voici:
Le jour s’apaise enfin, l’horloge s’exténue.
Ton souffle est lent au soir à se tranquilliser.
Je t’accompagne, ami, vers le repos sacré,
De mon immobilité étrangement émue.
Vais-je assez t’absorber que le reste s’efface ?
Toi dont le corps bruit d’une agitation lasse ?
Tu tentes d’entrer dans nos silences fertiles
En promenant tes doigts sur la tranche ou le fil
De mon corps comme une voile toute gonflée
Par le vent puissant des choses imaginées.
Tes yeux ne sont plus que des vitres embuées
D’un chagrin sourd qui point sans qu’il soit expliqué.
Masque loyal devant tes larmes retenues,
Je me tais, embrassant ton âme mise nue.
J’entends tous les échos que mon encre fait naitre,
J’entends que tu t’émeus de certains de mes êtres.
Ton visage ne dit rien, que tes yeux que je lis.
Je suis ton livre aux mille visages qui te sourient.
Moi seul ai ce pouvoir des choses révélées.
Et tes pauvres regards se tournent vers le Sens ;
Entre mes lignes le monde se condense.
Moi seul ai le pouvoir de te ressusciter.
