A Quyên et Aldor
Aldor parlait il y a quelques temps, des beautés bouleversantes. Ce week-end, j’ai eu la chance, le privilège, d’être bouleversée, émue aux larmes par quelques tableaux découverts à Paris.
L’exposition « Paysages mystiques » au musée d’Orsay offrent quelques œuvres devant lesquelles tout trembla.
D’abord, Le semeur, de Van Gogh dont aucune photo ne rendrait la force symbolique, le trait généreux et spontané, cet homme humble qui sème la lumière, l’intensité du grand soleil. Nous sommes bien loin de l’anecdotique scène d’extérieur. Mais au-delà de tout cela, qui me tint figée devant ce très petit format, je fus frappée par le sentiment de l’urgence de peindre, par ce soleil si simple et tout offert, par le regard posé par Van Gogh sur la scène.

Il y eut aussi deux grands arbres – Rosiers sous les arbres, Klimt – qui foisonnaient de vie et de couleurs, dans un éclat si doux et si subtile qu’ils semblaient rendre, offrir, créer la Paix. Des rosiers clairs s’animaient à son pied et puisaient leur vie, leur beauté, leur abondance dans la multiplicité protectrice des arbres printaniers. Un petit tableau vert saisissant de fraîcheur, de tendresse, de Vie.

Enfin, un tableau de Chagall – Au dessus de Vitebsk – se faisait très discret au milieu d’œuvres imposantes qui étalaient leur technique et me laissaient de marbre. Je n’ai vu que lui dans cette salle intitulée « Paysages dévastés ». De la neige et une église aux toits bleus, une barrière verte, et cet étrange bonhomme gris suspendu au dessus de la ville. Paysage enfantin et simple auxquelles les deux seules couleurs vives disaient l’amour et la beauté des souvenirs anciens. Mais cette neige était triste et je ne comprenais pas pourquoi. Elle nait, cette tristesse, dans cet homme penché que son déracinement a privé de couleurs. Son baluchon sur le dos dit que c’est un homme qui passe. Et son regard, profondément, intensément triste. C’est le vieil homme séparé de son enfance, du village de son enfance. Il ne lui est plus donné de fouler la neige éclatante, d’être dans sa lumière. C’est un tableau sur l’exil, je crois. J’ai beaucoup pensé à Frog en le regardant. Il a fallu m’arracher à la contemplation et c’était une violence.

D’autres tableaux m’ont touchée, certains m’ont simplement plu, ceux-ci ont remué quelque chose très profondément en moi, et c’était à chaque fois une émotion nouvelle. Il en va en peinture comme en littérature, mais peut-être la peinture a-t-elle une puissance plus charnelle, plus immédiate, plus saisissante.
Enfin, A Maillol, dans la fabuleuse collection Rosenberg, Julia m’a fait entrevoir (à travers une reproduction) un tout petit format rose de Marie Laurencin qui m’a ôté les mots: Anne Sinclair à quatre ans. Comment un si petit portrait peut-il à ce point dire l’enfance, et, plus exactement, ce qui me touche particulièrement chez les petits enfants: ce mélange de candeur profonde et de gravité ronde?
Un bleu doux et grave,
Et l’enfantine conscience,
D’un visage rose.

Les photos ne disent rien , mais peut-être susciteront-elles le désir de faire l’expérience de ces regards clairs.