La quête nocturne du dragon-chat

Mon dragon a l’air d’un chat.

Pardon, je suis le dragon, dit la grenouille… Je suis donc le dragon-chat de cette histoire et je vais essayer d’expliquer ce qui a pris au chat – je veux dire, ce qui m’a pris à moi, dragon au pelage gris et – ordinairement – soyeux, de sauter à pattes jointes dans un bidon d’huile de vidange.

L’histoire commence à quatre heures du matin quand je réveille la maisonnée afin que l’on me laisse partir à l’aventure. Vous comprendrez, le destin n’attend pas – les petits pipis non plus. Je vois l’humaine des lieux se lever tant bien que mal et se diriger, l’œil éteint et la démarche hésitante (quel manque de grâce, ces animaux-là!) vers la porte d’entrée de la maison. Ça s’ouvre, et ni une ni deux, me voici libre dans la nuit froide. Il a neigé. Je vois ça moi, dans le noir. Comme elle est pure cette nuit-là ! C’est une nuit à accomplir les plus grands exploits. C’est ma nuit.

Je file donc dans un coin du jardin où j’ai mes habitudes, car les dragons-chats, surtout après roupillé pendant des heures sur un fauteuil, ont leurs besoins comme tout le monde.

A la maison, personne ne se doute que je suis un dragon. Pour donner le change, je n’ai qu’à passer le plus clair de mon temps roulé en boule quelque part, au chaud. L’illusion est avantageuse : on me nourrit, on me laisse accéder aux divers coussins, fauteuils et canapés, on vient même me caresser de temps en temps. J’évite de trop réagir, histoire de rester incognito. Bref, la paresse est mon alliée, mon laisser-pioncer, mon masque parfait. Si d’autres dragons me lisent, je vous conseille vivement le même travestissement. Rien de tel pour être nourri, logé, et même, aimé ! Si vous arriviez avec vos allures de dragon originelles, vous ne seriez pas si bien reçus, c’est moi qui vous le dis ! Certains collègues ont essayé des costumes plus exotiques : girafes, buffles, et autres ornithorynques. Je ne crois pas qu’ils aient trouvé l’expérience très concluante. Liberté, d’accord… (et encore, pas toujours, il suffit de se retrouver dans un zoo pour oublier le concept) mais zéro pour le confort. Il faut chercher sa nourriture soi-même, à ce qu’ils m’ont raconté. Comme si nous n’avions que cela à faire, nous, légendaires créatures !

Bref, je me sens léger maintenant, après mon petit tour salutaire vers le vieux mur qui ferme la cour. Je suis prêt à déployer mes ailes de ciel et d’étoile. Je bondis. Comme je monte vite ! Comme tout est facile pour moi ! Me voilà sur le toit. Sur le faitage exactement. Je suis au sommet. En équilibre. J’ai tout un village en-dessous de moi. Un village qui dort sans se douter qu’un dragon – à tendance un peu lyrique – veille sur lui. Là, dans le silence de la nuit, je me sens seigneur. A cette heure, rien ni personne ne me résiste.

Il me faudrait très peu de temps pour m’éloigner, plonger dans l’obscurité bleutée des arbres et des prés. Pour explorer les anfractuosités des collines. Chasser les envahisseurs. Sécuriser la zone. Mais ma mission est ailleurs, plus haute, plus grande, plus digne de moi. Sur le toit du chapi, il y a une vieille girouette. Un peu bancale, à la peinture écaillée. Rien de flamboyant, je vous l’accorde. Mais on se connait bien tous les deux. Je la regarde souvent, les yeux mi-clos, chauffant au soleil, tandis qu’elle branle doucement dans l’air vif. Je l’ai entendue m’appeler tout à l’heure, quand j’étais encore dans la maison. Viens, viens, aide-moi, sifflait-elle. Et maintenant que je suis là, à son pied, prêt comme jamais à accomplir l’exploit du siècle, elle ne dit plus rien. Motus. Je lui fais signe. Un coup de patte délicat, histoire de ne pas trop la faire sursauter, la pauvre. Elle s’agite. Elle tente de me dire quelque chose, mais à la place de son langage de vent clair, je ne perçois qu’un baragouin un peu grinçant. Je comprends en la regardant de près. Elle perdait une pale, tout à l’heure. C’est pour ça qu’elle m’appelait au secours. Et maintenant qu’elle se trouve complètement amputée, elle ne peut plus parler correctement. A moi de le retrouver, ce morceau de bois, et de rendre la parole à ma vieille amie. Ah, je savais bien qu’une mission de premier ordre m’attendait !

Je scrute les tuiles, une à une. Je suis terriblement concentré. Je ne veux rien laisser au hasard. Ne pas trahir la confiance de Dame Girouette. Je scanne de mes yeux verts de dragon-chat toute la surface du toit. Rien. La précieuse pale semble s’être envolée. Je m’approche du bord, je me penche. Même pas peur ! Oh, l’établi ! Quel bazar ! J’ai horreur de cela mais bon, on ne peut pas tout avoir, et quand on choisit sa maison, il faut se fixer des priorités, être capable d’abandonner certaines exigences. Moi, j’ai choisi la campagne, et une gamelle toujours pleine.

Et si le bout de bois était tombé là, au milieu des outils ? Qu’à cela ne tienne, je le remonterais en le portant entre mes dents. Aucune difficulté pour un dragon de ma trempe.

Mais que vois-je ? La petite pale se détache, là, sur le sol de terre battue, au pied de l’établi. Je vais sauter. Je connais le parcours pour redescendre tranquillement : un premier bond sur la grosse poutre en chêne, un deuxième sur l’ancienne fenêtre, un troisième sur l’établi, et en deux temps, trois mouvements, me voilà par terre. La routine pour moi. Seulement, avant que j’aie le temps de décoller, voici qu’un gros mulot mal élevé s’approche de l’objet convoité, et le sent, en agitant le museau. Tous les indicateurs de mon ordinateur interne de dragon-chat sont au rouge ! Un molut… un mulot ! Un gros mulot bien gras ! Je ne me sens plus du tout dragon, ni héros, ni seigneur, maintenant. Je ne suis plus qu’un chat, un chat trop faible pour résister à la tentation d’une bonne chasse nocturne. Le masque est devenu peau. L’habit a fini par faire le moine.  Et si je m’élance vers le but de ma quête, ce n’est même pas pour empêcher la bestiole de me l’enlever ! Non, là, j’ai vraiment tout oublié, je dois dire, de ma pauvre copine devenue muette.  Je ne vais pas parlementer avec l’ennemi. Je ne vais pas lui servir un quelconque baratin de dragon pacifique mais néanmoins héroïque pour l’éloigner dans le calme et la raison. Je ne vais pas souffler non plus une trop traditionnelle flamme géante pour l’effrayer ou le rôtir. Un, ce serait trop facile, indigne de moi. Un dragon contre un mulot ! Combat ridicule, quoique certaines légendes disent que la petite bête est parfois plus maligne que la grosse. Deux, je me sens tout à fait chat en cet étrange instant.

Troublé par cette incertitude identitaire soudaine, je suis moins précis que de coutume dans mon parcours, et au lieu de poser les pattes comme prévu sur le bord de l’établi, avant de sauter sur le sol où se trouve le nouvel objet de ma quête de chat-plus-que-dragon, j’atterris les quatre pattes dans un récipient carré, posé au milieu du reste, et plein d’un liquide visqueux et noir. La voilà, l’huile de vidange dont je vous ai parlé au début !

Je ne m’attarde pas sur la fin de l’histoire. Le mulot a filé, la pale s’est trouvée engluée dans une flaque d’huile, impossible à récupérer. Et moi, je suis retourné miauler, honteux, collant et méphitique à la porte de la maison.  J’ai tout tâché. Forcément. On s’est inquiété pour moi, et du coup, on m’a lavé. Sous la douche ! Pendant des heures. Avec tout un tas de produits. En me parlant gentiment. Une torture absolue, la façon d’aimer des humains ! Là, j’ai compris que le zoo ou la savane, même sans coussins à disposition, sans croquettes haut de gamme, ça pouvait avoir du bon. Seulement, je crois que c’est trop tard. Je crois que je ne suis plus vraiment un dragon. Mais, à bien y penser, l’ai-je seulement été un jour ?

Ecrit pour l’agenda ironique de février, dont le sujet brûlant est proposé par Frog sur son blog, aussi vif que vert: In the writing garden.

Il faudra bientôt rallumer les calorifères

Les mots du soirs étaient:

Perséides – centaures – hirsute – anophèle – entonnoir – recaler – calorifère – Arlequin – jardinet – ciboulette

Nous sommes bien amusés, encore une fois!


 

Le secret du matin s’est évanoui plus vite que les perséides, caressant à peine sa tête hirsute. Il faudra bientôt rallumer les calorifères. Seule pensée assortie sourdement à la déception d’avoir manqué l’aube. Enfuies les rêveries de l’entre-deux mondes! Les centaures sont passés, Arlequin a eu le temps de s’effacer tout à fait. Il n’y a plus que le jour cru qu’il faudra boire, à l’entonnoir, si nécessaire!

Une anophèle l’agace, vague menace dans le silence de cette fin d’été. Elle regarde dehors. Le jardinet est jaune. Tout a grillé. Il faut dire qu’elle n’a fait que rêver, au lieu d’arroser, recalée qu’elle aurait été à l’examen de la bonne jardinière!

Elle se prend maintenant à regretter la pluie dont elle a oublié le goût et le bruit, comme les odeurs mêlées d’herbe mouillée, de menthe et de coriandre. Et la délicatesse des feuilles! Et la détermination de la ciboulette! Souvenirs de printemps avant le grand feu de juillet et d’août… Il est temps, finalement, que septembre revienne!

La lettre d’Anna

Ce billet suit le précédent puisqu’il présente la nouvelle écrite pour le même concours, l’année dernière. La phrase d »ouverture devait être: « C’est en m’asseyant devant mon thé que j’ai vu la lettre d’Anna ».

Je me souviens avoir eu énormément de mal à écrire cette nouvelle. Quyên m’avait aidée à l’améliorer et je l’avais ainsi réécrite plusieurs fois, ayant à l’esprit ses remarques perspicaces(merci, merci, merci: « Autrui, pièce maîtresse de mon univers » dit Esther en écho à ton dernier billet). Je la retrouve aujourd’hui et me rends compte qu’il y aurait encore beaucoup à revoir du point de vue du rythme du récit, notamment, et de sa densité. Pour autant, je la livre aussi aujourd’hui, me souvenant de la petite équipée en bus avec mes élèves lauréats et leurs parents. La gaieté et le plaisir d’être allés au bout de ce projet venaient clore heureusement trois années successives de cours de français au collège, ensemble. Ce sont des lycéens maintenant…


C’est en m’asseyant devant mon thé que j’ai vu la lettre d’Anna. J’ai reconnu instantanément son écriture. Elle dit mon prénom en bleu sur l’enveloppe blanche et c’est la première caresse du matin. Puis le thé brûlant dans ma gorge, et l’aube encore nimbée de nuit apparue au-delà des toits gris.

Déjà, alors que je contemple toujours l’enveloppe posée sur la vieille table de la cuisine et que ma main, avec la régularité de l’inconscience, porte la tasse jusqu’à mes lèvres, je lui parle en moi-même.

Cela fait deux longs mois que j’attends sa lettre. Quel motif a pu interrompre si longtemps notre conversation ? Marie a posé l’enveloppe sur la table pour que ma journée s’ouvre avec elle. Pourtant, je vais repousser à ce soir ma lecture pour rêver à ses mots. A la terre qu’elle foule maintenant – celle qui reçoit sans ciller la houle et la brûlure blanche du soleil d’hiver.

A présent, ma tasse est vide et mon esprit ressasse les questions qui ont hanté les dernières semaines. Pourquoi Anna est-elle partie si vite ? Pourquoi n’a-t-elle pas pu m’attendre ? Elle a passé son bac littéraire, puis elle a travaillé dans un petit restaurant afin de financer son installation dans le sud de la France. Elle est partie en cours d’année, dès que ses économies le lui ont permis. Elle m’a seulement dit qu’elle ne pouvait plus attendre. Elle voulait commencer des études de lettres et espérait pouvoir entamer l’année au deuxième semestre. Elle dit qu’elle sera professeur de français. Je l’imagine bien lisant à ses élèves des textes comme si sa vie en dépendait. Mais je ne comprends pas qu’elle soit partie sans moi, qui ne pouvais pas partir. Je passerai le bac en juin. Littéraire aussi. Je continue à travailler mais les textes sont moins beaux depuis que je ne les lis plus avec Anna. Même ceux d’Eluard. Mes professeurs aussi ont remarqué que j’étais moins pertinente qu’au début de l’année.

Je passe devant la librairie, rue d’Anvers. On ne m’y voit plus, assise entre les rayons, entourée de livres dont j’essaye de retenir des passages pour les dire à Anna. La littérature ne me parle plus si nous n’en parlons plus ensemble. Marie ne comprend pas que je lise si peu désormais. Elle m’a pourtant offert un Giono plein de soleil paraît-il, et je n’y ai pas encore touché ! Elle ne sait plus quoi inventer pour me tenir debout, loin de ma sœur. Elle m’a même emmenée voir le Sacre du Printemps à l’Opéra ! Et pour sa bourse, cela a du représenter un vrai sacrifice, bien qu’elle n’ait rien laissé paraitre. En y allant, je n’avais pas le cœur fou d’impatience. Pourtant c’était Le Sacre, celui de Pina Bausch. J’ai regardé sans croire à rien, les danseurs m’ont semblé ne pas savoir ce qu’ils dansaient, je ne voyais pas leurs âmes déborder au-delà de leurs doigts, parce que le regard d’Anna, son incroyable regard, n’était pas posé sur eux. Je ne sais pas voir comme elle, je ne sais pas voir sans elle. Marie était décontenancée, je l’ai bien senti, mais je ne peux pas feindre. Elle n’a fait aucune remarque en sortant et m’a entouré les épaules de son bras mince. Sa main près de ma joue sentait la terre mouillée.

Je sors. L’aube maintenant a passé les toits. Elle se répand, faible et silencieuse, dans notre rue. Mon sac pour la journée de cours est assez léger. Je pense au poids de ma valise lorsque j’irai moi aussi à Toulon. Marie n’a pas tenté de me détourner de ce projet de départ. Elle sait qu’il n’y a rien à faire. Qu’Anna est sur terre la seule qui ait le même sang que moi dans les veines et les mêmes lointains dans les rêves.

En arrivant au lycée, je me dis que sa lettre répondra peut-être à ce qui nous tourmente depuis toujours. En cours d’anglais, je fouille encore une fois le dossier que nous avons constitué ensemble. Rien des quelques documents que nous avons à propos de notre naissance n’évoque le sud de la France. Pourquoi donc Anna veut-elle le Sud ? Et moi donc ? L’incohérence de notre rêve s’immisce dans mon esprit. Je ferme le dossier pour faire taire cette question-là qui m’est insupportable. Troublée, je suis incapable de répondre quand on m’interroge à propos d’un point de grammaire que je suis censée connaître par cœur.

Cours de français. Le professeur nous lit « Les ardoises du toit » de Pierre Reverdy. Il n’y a que moi qui écoute, je crois. Anna aimerait ce poème : depuis ma chambre nous regardions ensemble les ardoises des toits écumer leur mousse verte, et les murs de brique rouge s’assombrir sous les gouttes. Nous les avons dessinés et écrits sans nous lasser pour tenter de les accepter. Nous ne connaissions pas Reverdy qui nous aurait peut-être aidées. Le Sud restait notre horizon. Etait-ce pour le Sud vraiment ? Ou parce que nous ne supportions pas notre ici vide de nos parents. Ce sont les diamants bus par les oiseaux dans le poème de Reverdy qui me font vaciller une nouvelle fois.

Sur le chemin du soir, les trottoirs miroitent les nuages sans lumière, et les fenêtres sont déjà éclairées. Claire demande des nouvelles d’Anna, avant que le coin d’une rue nous sépare. Je dis que je n’en ai pas. Je garde le secret de sa lettre, jalousement. Claire répond de son air étrange que j’aime bien: « Regarde les arbres sous la pluie. Ils savent qu’il faut attendre. »

Moi, je suis sans cesse dévorée du désir de partir. De laisser là le bac et Marie, bien que ses soins me soient un pansement de fortune. Marie me couve comme elle nous a couvées, Anna et moi, ces dix dernières années. Nous sommes ses précieuses orphelines et ses yeux sont plus tristes depuis qu’Anna est loin. Pourtant, elle va rester, seule dans sa maison de brique, quand je serai partie à mon tour.

Marie nous a épaulées dans nos recherches. Pour nous, elle a couru les administrations. Elle nous a préparé nos pique-niques quand nous allions errer pour nous donner la fausse impression de chercher. A-t-elle imaginé que cette quête pourrait nous arracher à elle ? Malgré son énergie offerte à notre cause, le X inscrit au lieu du nom de notre mère demeure une béance que nous n’arrivons pas à combler. Mais mon désir de pierres sèches fendille dans mon cœur depuis le poème de Reverdy. Je voudrais voir Marie.

En fermant la porte sur le soir qui livre sans retard son drap sombre sur la ville, je vois qu’elle a laissé un mot, elle aussi, sur la petite table en chêne:

« Margot, je vais rentrer tard, je donne un cours de danse supplémentaire ce soir. Tu peux me rejoindre si tu veux, il y aura un bon niveau, tu ne t’ennuieras pas. Tu as vu la lettre de ta sœur ? Bisous, Marie. »

Je ne suis allée à aucun cours de danse depuis qu’Anna est partie. Je fais chauffer de l’eau pour un thé aux épices. En m’asseyant, je pense que je vais encore ignorer la main tendue de Marie et cela me pince un peu le cœur. La fissure du matin s’agrandit encore.

Pourtant j’écris. Presque sans respirer. De longues pages en apnée pour Anna. Sans avoir encore ouvert sa lettre, parce que je suis incapable de la laisser parler en premier pour une fois. Mon écriture est maladroite, oblique, pressée, et je corrige, je précise, je répète, je prolonge. La réalité autour de moi se dissout à mesure que les pages se remplissent.

La nuit est avancée quand Marie passe la porte. Elle est discrète, comme toujours. Une danseuse. Je vois son ombre sur le papier, je devine la fatigue dans l’inclinaison de son cou. Je suis incapable de m’arrêter d’écrire pour la saluer. Elle m’embrasse dans les cheveux. Elle a vu que je n’ai pas encore ouvert l’enveloppe tant espérée. Elle ne dit rien. Je sens son regard sur ma nuque. J’écris toujours. Elle pose un autre baiser près de ma tempe, plus tendre. Les rides légères de son visage contre mon front. Elle monte. J’entends la porte de sa chambre s’ouvrir en grinçant, et se fermer dans un bruit doux. La douceur de Marie.

J’ai fini ma lettre. J’essaye de faire taire ce qui craquelle en moi depuis plusieurs heures. Je voudrais échapper à mon effondrement. Seuls mes rêves d’ailleurs et mes incertitudes me maintiennent depuis tant d’années ! Anna a bâti avec moi nos poutres de questions. Ma main effleure le timbre tamponné de Toulon. Voilà, c’est simple, je vais ouvrir la lettre d’Anna et mon cœur aura battu si fort une nouvelle fois que je n’aurai pas à me rendre au présent. La lettre d’Anna sera un pas de plus dans ma fuite en avant.

Un bruit léger vient rompre le profond silence de la nuit: c’est le grincement du parquet de l’étage. Marie ne dort pas, seulement, elle reste dans sa chambre pour ne pas me gêner ! Soudain, sa tendresse me foudroie et quelque chose en moi renonce à s’obstiner. Cela fait dix ans que nous cherchons une mère que nous avons déjà ! Qui vit là tout à côté de nous sans que nous la voyions, alors que nous organisons âprement notre échappée constante à la réalité. Qu’importe que la maison soit rouge et sombre sous la pluie ? Il y a dans le placard les thés que nous aimons, il a Claire notre amie juste à deux rues de nous, il y a les silences de Marie. Il y a son jardin qu’elle voudrait faire avec nous, ses cours de danse. Nous ne lui avons rien donné d’autre en échange qu’une demi-présence.

Je repose l’enveloppe et reprends mon stylo :

« PS : Anna, ta lettre me parlera de la mer. Ta lettre sera un soleil blanc et m’aspirera entièrement parce que je ne sais résister à aucun de tes mots. Tu as certainement continué nos recherches à Toulon. Peut-être me parleras-tu d’une piste glanée à propos de l’un de nos parents. Une part de moi l’espère encore puissamment. Mais je me défais ce soir de la folie de nos espoirs, Anna. Je n’ouvre pas ta lettre, et je vais embrasser Marie. »

Il faisait partie de ces gens qui n’ont qu’une valise…

Il y a trois ans, je participai avec mes élèves à un concours de nouvelles dont Françoise Henry, romancière, était la marraine.

Mes élèves et moi avions tous reçu un prix et c’était un moment de joie partagée assez rare.

Françoise Henry avait donné comme phrase augurale: Il faisait partie de ces gens qui n’ont qu’une valise.

La remise des prix fut l’occasion de notre rencontre et le point de départ d’une collaboration fructueuse et d’une amitié fertile.

Ainsi, la nouvelle que j’avais écrite cette année-là, quoique versant davantage du côté du conte et largement perfectible, notamment du point de vue du style et de la présence de peu discrète de plusieurs clichés, m’est restée chère. 


Il faisait partie de ces gens qui n’ont qu’une valise, mais il ne s’en plaignait pas. Il disait qu’elle était suffisamment lourde comme cela, et remplie du nécessaire. Il ne s’en défaisait jamais. Cette vieille valise était en cuir patiné et craquelé à certains endroits. L’homme portait cette valise comme il eût porté le corps d’une femme tendrement aimée. Dans les troquets où il avait passé une soirée, dans les restaurants, les épiceries et même les bibliothèques où il s’était arrêté, on parlait de lui en l’appelant « le gars à la valise », bien longtemps après son départ.

Cet homme étonnant vivait en nomade au milieu des sédentaires. Il ne demandait pas l’aumône mais il trouvait toujours un petit travail à faire – une soirée aux fourneaux d’un restaurant, un service rendu – en échange d’une assiette chaude et d’un coin pour dormir. Il disait qu’ainsi il ne manquait de rien et qu’il conservait l’immense privilège de son entière liberté.

Le soir où il arriva à Montromant, il neigeait et le vent soufflait fort. Au milieu des collines, le village semblait enseveli sous la brume et le froid. L’homme ne tremblait pas pour autant en marchant dans le blizzard, mais serrait bien fort la poignée usée de sa valise. Il entra, souriant et calme, dans l’unique auberge du village. La vieille Francia l’accueillit aimablement. Les quatre-vingts années de l’aubergiste ne semblaient pas avoir entamé son énergie vitale. Veuve, elle tenait sa grande auberge, seule depuis vingt ans déjà. Elle invita l’homme à s’asseoir. Il était grand et charpenté. Sa voix, lorsqu’il la salua, frappa cette femme énergique par sa tranquillité grave et douce à la fois. Il lui demanda si elle voulait bien lui offrir un repas chaud et le laisser dormir dans l’auberge. Au lieu de la payer, il lui donnerait de son temps, de sa force.

« Pourquoi pas, s’exclama-t-elle en souriant. Il y a toute la grande salle à repeindre. Les murs sont bien abîmés. Si vous m’aidez, je vous loge en pension complète le temps des travaux. »

L’homme accepta et s’installa devant une assiette de soupe fumante et parfumée que lui servit Francia. En réalité, la vieille dame l’aurait repeinte seule, son auberge, mais l’idée d’avoir la compagnie de cet homme étrange et agréable, pour quelques jours, la séduisait. Il faut dire qu’au creux des collines, dans son minuscule village, elle sentait parfois bien douloureusement le poids de la solitude.

Son auberge était ouverte tous les jours, à toute heure, et les quelques clients qui entraient apportaient à Francia la compagnie dont elle avait besoin. Elle aimait bavarder, entendre les histoires des uns et des autres. Elle aimait écouter ces hommes et ces femmes qui devisaient devant un verre de vin blanc.

Alors, naturellement elle engagea la conversation avec son visiteur. Elle lui demanda son nom, d’où il venait, où il allait. Il s’appelait Marin et il marchait depuis toujours. Il aimait sa liberté et les rencontres qui s’offrent aux voyageurs seulement. Un homme qui ne s’arrête pas ne pèse pas, et sa présence est appréciée comme un rayon de lumière fugace. On se confie facilement à celui qui emportera demain ses secrets dans son sac. Pour rencontrer vraiment les autres, il fallait être de passage.

 Francia lui proposa de monter sa valise dans sa chambre. Il refusa. Sa valise lui était si précieuse, si nécessaire, qu’il ne pouvait supporter l’idée qu’elle soit loin de lui. Et voyant l’œil surpris de son aimable hôtesse, il lui raconta qu’elle lui avait été donnée par une princesse du Moyen-Orient, alors qu’il était jeune homme. Cette femme était tombée amoureuse de lui et voulait l’emmener avec elle, dans son pays de soleil. Elle lui avait offert cette valise, remplie de choses précieuses, comme gage de son amour et pour symboliser le voyage qu’il accomplirait jusqu’à chez elle. Pour l’amour de cette femme à la peau parfumée, il avait failli renoncer à la liberté. Mais il sentait depuis sa tendre enfance qu’il était destiné à la marche, au voyage perpétuel, libre et ouvert au hasard. Luttant contre lui-même, il avait donc refusé de suivre sa bien-aimée et avait gardé la valise pour qu’elle lui rappelle toujours son destin, à chaque fois qu’il serait tenté de s’installer quelque part. De plus, elle contenait les seules richesses qu’il avait jamais possédées.

Alors qu’il racontait de sa voix grave et belle, quelques clients de passage s’étaient approchés pour l’écouter. Et pour ces villageois qui n’avaient pas lu d’histoire depuis leur tendre enfance, voilà que se déroulait en eux l’aventure romanesque de cet homme qui avait séduit une femme plus belle qu’ils n’en avaient jamais vues. Un grand silence avait laissé toute la place aux mots magiques de l’étranger.

La semaine durant, Marin aida Francia. Il repeint la grande salle, répara tout ce qui devait l’être, fit la vaisselle avec une énergie et un entrain qui s’accordaient parfaitement avec le tempérament vif de la vieille dame. Ils s’entendirent bien. Marin était prévenant et efficace. Francia préparait de bons repas. Ils se racontèrent quelques unes des nombreuses anecdotes vécues ou entendues. Marin, qui fréquentait les bibliothèques, parla de ses romans préférés à Francia, qui, en écoutant le discours passionné de cet étranger, eut pour la première fois envie de plonger dans des lectures qu’elle se représenta pleines de voluptés.

Mais dès le deuxième soir, alors qu’un autre client plaisanta à nouveau sur la valise de Marin, posée sur une chaise, juste à côté de lui, celui-ci fit surgir à nouveau dans l’auberge une émotion profonde. Il parla de sa mère, morte alors qu’il était enfant, des suites d’une longue maladie. Elle avait élevé seule, avec pour seules ressources son courage et l’amour qu’elle portait à son fils. Se voyant mourir, elle avait travaillé à réunir le plus de richesses et de choses utiles pour que son fils ait une chance de s’en sortir après sa mort. La valise était donc pleine de vieilleries maintenant inutiles mais Marin expliqua qu’elle représentait pour lui la seule trace de son enfance, sa seule famille. Elle lui rappelait la puissance de l’amour, et la nécessité du courage. Il savait qu’il s’effondrerait s’il en était séparé.

Une fois encore, un profond silence se fit. Certains des hommes rustres assis au comptoir essuyèrent discrètement une larme. On l’interrogea encore sur le reste de son enfance, seul avec sa valise. Marin replongea volontiers dans le récit de ses aventures jusqu’à une heure avancée de la nuit. Plusieurs clients, comme Francia, avaient entendu l’histoire de la veille. Dès lors, ils surent que les récits du voyageur étaient des fables. Ils acceptèrent l’illusion comme on le fait en ouvrant un recueil de contes.

La semaine passa comme cela, bien doucement. La journée Marin et Francia s’activaient en discutant et faisaient une nouvelle jeunesse à l’auberge. Chacun prenait grand plaisir à ces moments de labeur et d’échange. Le soir, la grande salle, au milieu des escabeaux et des pots de peinture fraîche, se peuplait de plus en plus de villageois, venus écouter les histoires de l’étranger. Le bruit de ces soirées extraordinaires avait même couru dans les villages alentours et du monde, des familles, bravaient les routes enneigées et l’hiver glacial pour entendre l’homme à la voix grave et aux mille vies. Francia rayonnait de bonheur, voyant son auberge pleine de vie et de chaleur. Chaque soir était donnée une nouvelle origine à la vieille valise, et chaque soir Marin rappelait l’importance symbolique de sa valise et affirmait ne pouvoir se passer d’elle. Les hommes, les femmes, les enfants repartaient en rêvant à son contenu, et à toutes les aventures qui lui étaient associées.

Le dernier soir, Francia fit quelque chose de bien rare : elle ferma l’auberge. Elle déclara à Marin qu’elle était fatiguée par la semaine de travaux. Elle n’osa avouer qu’en réalité, elle désirait profiter seule de cette dernière soirée avec son hôte. Elle n’osa pas non plus lui demander de rester encore car elle s’attendait à un refus qui l’aurait peinée, s’il avait été formulé. Marin de son côté, était heureux dans la grande auberge du petit village. Pour une fois, il aurait aimé rester. Mais il ne pouvait se soustraire à la règle qui avait toujours donné du sens à sa vie. Alors ils savourèrent comme une douce liqueur ces dernières heures partagées. Marin sentait une tendresse infinie pour cette dame qui le traitait avec la bienveillance et l’énergie d’une mère. Il voulut lui faire un cadeau et lui conta une dernière histoire à propos de sa valise. Il lui jura que cette fois-ci, ce n’était pas un conte mais la vérité simple. C’était une valise achetée dans une brocante avec le premier petit salaire qu’il avait reçu. Depuis, il emportait de chaque lieu traversé et aimé, un objet en souvenir. Cette valise était son passé, le résumé de sa vie. Francia lui donna le plus petit des pinceaux utilisés pour mettre à neuf l’auberge.

Au matin, Marin quitta Montromant le cœur serré. Il vit les yeux tristes de Francia et il lui sembla qu’il quittait la seule mère qu’il eût connue. Elle le regarda s’éloigner dans la neige, pensant au vide qu’il laisserait dans son auberge et dans sa vie. Mais lorsqu’elle rentra chez elle, sur la chaise occupée tous les soirs par Marin, elle trouva la valise. Elle crut un instant à un oubli jusqu’à ce qu’elle voit un mot qui lui était adressé, accroché à la poignée :

« Chère Francia, je n’ai jamais eu tant envie de rester quelque part. Je vous laisse ma valise et les trésors qu’elle contient. Ce sera une manière d’être auprès de vous, même après mon départ. Qu’elle vous tienne aussi bonne compagnie qu’à moi. Marin ».

Alors que Marin disparaissait dans la neige qui fondait, Francia ouvrit la valise précautionneusement, comme on ouvre avec volupté un mystérieux coffre au trésor. Elle s’apprêtait à examiner tous les objets récoltés par le voyageur, à plonger dans les délices de longues rêveries. Mais quand le mécanisme rouillé céda enfin, elle poussa un petit cri de surprise. La valise était vide !

Marin avait été un mirage, mystérieux et fabuleux. Il ne resta de lui, à Montromant, que ses contes qui animèrent encore bien des soirées, à l’auberge de Francia, autour de la vieille valise. On finit même par douter qu’il eût vraiment existé. Seule la vieille dame garda au cœur la chaleur de sa douce présence.

 

 

 

 

 

 

 

Atelier

Il y a quelque temps, au théâtre des Clochards Célestes à Lyon, le collectif des Poètes à la Rue organisaient une scène ouverte, précédée d’un atelier d’écriture. J’ai participé aux deux. Cela a été mon seul geste tendu vers l’écriture de ces derniers temps. Depuis j’ai beaucoup lu, beaucoup travaillé, beaucoup dansé. L’écriture reviendra  plus tard, peut-être.

J’ai bien aimé le principe de l’atelier: il y a avait des phrases augurales de romans d’un côté, et des phrases finales d’autres romans de l’autre côté. Dans un temps donné (pour moi environ 20 minutes, et c’est le plus difficile), il fallait choisir une phrase augurale et rejoindre, d’une façon ou d’une autre, une des phrases finales. 20 lignes maximum.

J’aimerais vous proposer l’atelier à vous aussi, mais je n’ai pas gardé trace des phrases proposées. Ce sera peut-être l’objet d’un billet prochain, après que j’ai sélectionné quelques phrases pour vous!

Voici ma petite production instantanée (il ne s’agit pas ici de se déverser, le je est un je fictif…):

Ça a débuté comme ça.*

Comme ça, je vous dis. Pas autrement. Ça aurait pu, d’ailleurs. La vie, n’est-ce pas d’abord une histoire de hasard? Une bourrasque de vent blanc dans les feuilles d’un arbre, et le mouvement qui se fait, soudain, entre les branches, et l’argenté végétal qui se révèle dans le chuchotement du souffle?

Bref, ça a commencé comme ça, ma vie. Affolement général, d’après ce qu’on m’a dit. Des pas précipités dans un couloir, des blouses bleues, des larmes aussi, j’imagine. Une belle frousse pour commencer. Ou à peu près.

Miraculée. Ça a fait une jolie étiquette à me coller sur la trogne, plus efficace et plus romanesque qu’un état civil. Il ne me restait plus qu’à bien tenir le rôle. Le rôle exigeant de la veinarde. Sagement.

Je ne m’en sors pas si mal, apparemment. Je ne suis pas plus, pas moins vaillante qu’une autre, mais bon, jamais un pas de côté, jamais un mot manqué… Tu parles! Est-ce qu’on m’aimerait encore si je laissais le rôle à une autre pour aller rêver un peu sur la ligne brisée du monde?

Il faut dire qu’il y a  des jours où je suis un peu fatiguée, vous savez. J’aimerais  bien être libre de tout gâcher, si je voulais. Seulement, une belle étiquette comme celle-là, ça ne s’abandonne pas d’un haussement d’épaule, si?

Quand même, que naitrait-il de beau, de neuf, si j’oubliais un seul instant que j’avais eu, un jour, de la chance? Un poème? Je me disais, l’autre fois: la vie, voyez vous, ça n’est jamais si bon, ni si mauvais qu’on crois.**

*Céline, Voyage au bout de la nuit,

**Maupassant, Une vie



Après il y a  eu la scène slam et c’était vivant et drôle, et parfois vraiment magnifique!

La prochaine session aura lieu ce dimanche 9 juin au théâtre des Clochards Célestes.

img_28361.jpg

Blues

Pour jouer, il y avait dix mots, à la librairie Mots et Merveilles. Et comme l’usage le veut, avec dix mots, il fallait écrire une histoire! 

Voici les mots du soir: 

anacrouse – assoupissement – ragaillardi – opercule – mordoré – message – végétarien – éberlué – chanfreiner – décompenser.


Sa contrebasse semble dormir à côté de lui, et dans le silence de la nuit finissante, le jeune musicien croit percevoir la respiration lente du bois et des cordes de l’instrument. C’est comme l’anacrouse de la mélodie bleue du jour qui s’annonce, il se dit.

Lui n’a pas cédé au moindre assoupissement. Dans le fauteuil au tissu mordoré, il contemple la nuit. La fenêtre est l’opercule sacrée qui le relie au monde. Après, il y aura des heures de studio, des heures dans la boîte à musique. Ca l’angoisse, ça. L’homme, dans son costume années quarante à peine élimé aux coudes, se sent un peu ragaillardi par la beauté des arbres nus dont les ramures noires découpent le ciel de lune. Ca lui fait presque mal, aussi, que ce soit si beau dehors. Ca lui fait mal parce qu’il va jouer dans une boîte toute la journée, et qu’il y aura toujours le gamin qui viendra lui apporter un sandwich au jambon et qui repartira avec, encore, l’air un peu éberlué parce qu’il ne comprendra pas le message, cette fois-ci non plus, il est végétarien, lui. Les animaux ils les aime vivants et libres, mais ça, le petit môme qui apporte les repas, il n’a pas l’air de comprendre. Peut-être qu’on lui a chanfreiné le cerveau avec la télévision quand il était petit – ou avec autre chose, d’ailleurs – et que du coup, il ne retient plus rien.

Le ciel devient rose maintenant. Les étoiles cessent de régner et le musicien empoigne la contrebasse endormie. Il sort de ses pensées. Il va jouer bientôt dans la boîte qu’il déteste, et ça le tuera parce que ce ne sera jamais assez bien, jamais, mais il y aura contre lui ce grand corps de bois et sa belle voix prendra tout l’espace, toute sa tête, son cœur, sa chair, et ça, ça l’empêchera toujours de décompenser.

 

La cloche fêlée du perroquet

Il faut voir la scène. Une scène de printemps dans les jardins du temps.

 Les iris sont en fleurs, tout autour, et cela fait une haie tendre et déjà un peu haute, pour une enfant assise. L’herbe est tondue d’une semaine, confortable, fleurie de toutes petites fleurs. Derrière, éclate un laurier fraîchement planté et la terre est bien noire à son pied. Voilà pour le décor. Il y a aussi un peu de vent, il ne fait pas trop chaud.

L’homme, c’est mon père ;  il a jardiné un moment, déplacé, repiqué, imaginé l’harmonie des couleurs et des feuillages qu’on ne peut pas encore deviner, parfois. Ce petit monde est vaste en beauté et en mouvements subtiles qui vont avec les ans. Les choses changent au fil des envies, et c’est si beau de voir le jardin devenir. Dans la famille, faire un tour de jardin est une promenade en soi. On s’attarde, on regarde les plantes qui sont parfois anciennes comme l’enfance. Les nouvelles venues sont toujours un peu les vedettes, mais elles émeuvent moins. Il y a le muguet qu’on connait bien et qui s’étale depuis longtemps, toujours à l’heure, et les lilas en bosquet qui nous appellent, exigeants, de toute leur senteur,  et le tapis de fleurs de marronnier : on lève la tête vers le grand arbre aux cônes et tendres et fiers. Le rhododendron s’obstine, devant l’entrée,  à fleurir, mais on voit qu’il est vieux et sa mine est plus grise. On l’aime presque mieux ainsi.  L’azalée à son pied lui fait un peu la cour. Les pots de petites herbes, et le thym tout en fleurs qui conquiert son espace, toujours. Les gouttes de sang, les boules de neige, le petit pêcher sauvage et les quelques autres fruitiers. Y aura-t-il des mirabelles ? Il y a aussi toutes les plantes dont on espère les fleurs : les très petits rosiers de grâce dont les feuilles sont si délicates et les tiges sans épine. Comment seront leurs fleurs ? C’est une joie de les attendre, devinant les boutons, ou une embrasure verte au creux des tiges, qui n’est encore qu’une promesse.

La variété du vert, du mouvement des tiges, de l’élancement des feuillages,  est aussi délicieuse que le vent et les fleurs, et que les souvenirs. Ici je me souviens que j’ai appris à faire le nœud de mes lacets. Ici le cerisier, la maison de mes jeux. Ici ma sœur ;  ici, ma joie passée.

Il faut voir la scène, donc, dans ce jardin-là, précisément. Sur une poutre en bois entre les plantes et l’herbe, le jardinier s’assoit, ayant posé sa fourche. Il souffle un peu et l’on discute. Le jardin délivre, ou convoque, la parole.  Violette, qui fleurit ses cinq ans, s’approche et vient cueillir les genoux de son grand-père qui disent bienvenue. Et dans son babillage arrive – comment ?- le perroquet. Et le perroquet devient dans la bouche de mon père, le fameux perroquet sous sa cloche de verre, dans la grande maison du bord de la rivière.

-L’as-tu vu, ce perroquet, dans la maison d’Aulueyres?

-Non…

-C’était le perroquet de mon papa.

Violette s’interroge : comment est-ce possible que son pépé ait un papa ? Cet homme-là est mort. Autre mystère. Et, plus incroyable encore, cet homme qui est mort fut, un jour, un enfant ! A moi aussi, cela semble impensable. La raideur d’esprit de cet homme qui jamais ne m’a fait monter sur ses genoux, son sérieux et sa dureté affichée sont tellement étrangers à  l’enfance.

Mon père nous raconte : son père était l’ainé dans la maison du moulinage. Il allait à l’école, à pied bien sûr. Il longeait la route qui surplombe la rivière, pendant un kilomètre, atteignait le village, puis la petite école. Avec peut-être la même fraicheur et la même joie que mes filles aujourd’hui : comment le concevoir ?

La voix de mon père s’accorde au mouvement des feuilles. Il y a des silences et des frémissements. Violette se tient muette comme je suis perplexe. L’enfant d’Ardèche va donc  à l’école et apprend, récite, calcule. Puis il rentre et sur le chemin du retour, à la sortie du village, il y a une petite maison et une dame qui l’habite. L’enfant s’arrête et la salue, lui  chante les chansons qu’il connait. Chaque jour, il s’arrête gaiment et il chante. La dame est très heureuse de cette visite quotidienne, et l’enfant s’attarde un peu, sans doute parce que la vieille dame possède un perroquet. Ce perroquet est  comme on l’imagine, superbe, multicolore et dans une cage haute. Il lui parle, le caresse, et repart quelquefois, comble du bonheur, avec une plume tombée. La vieille dame promet : quand mon perroquet sera mort, je te le donnerai. Drôle de promesse.

L’enfant grandit, la dame vieillit, et le perroquet meurt. La promesse est tenue. L’enfant se voit offrir l’oiseau superbe, empaillé, sous une cloche en verre.

Imaginez la petite fille sur les genoux de son grand-père. Une telle histoire comme ça racontée au milieu du jardin. C’est un ballet d’images, un puits de rêveries. Elle ne dit plus rien, tout se passe maintenant à l’intérieur d’elle-même. Rareté de ce silence plein.

Je songe, quant à moi, à cet enfant devenu, bien plus tard, mon grand-père. Un homme à la peau dure et au cœur sans souplesse. Mécanique grippée des sentiments. Si la nature est belle, ai-je besoin d’aimer autre chose que la terre ? Mon grand-père laissait les affections vivantes et toute mièvrerie à ceux qu’ils méprisaient. L’Ardèche seule est digne, et les aïeux qu’elle a portés.

Pourtant le perroquet, sous sa cloche de verre, n’a jamais quitté sa maison. Il poursuit cette enfance au-delà de sa tombe.

Mon père raconte enfin qu’il a fêlé la cloche, un jour de grand ménage. Il s’en veut nous dit-il car la cloche était fine. Mais une autre fêlure loge toute intérieure dans sa voix qui raconte. Je pense à Baudelaire qui dit dans un poème« Moi, mon âme est fêlée ».

Il faut la deviner, ou bien la partager, cette fêlure secrète. Fêlure de n’avoir jamais rencontré, derrière le masque amer que nous avons connu, cet homme-là  qui conserva, sensible,  le perroquet de son enfance.

 

 

En quinze lignes et dix mots

Juste pour rire, il fallait écrire en quinze lignes maximum un texte comprenant les mots suivants:

autruche -tagliatelle – alpha -Madame Bovary -maquiller – carte – coudre – pharmacie – ivresse – ringard

A tous ceux qui veulent jouer aussi, vous pouvez déposer le lien vers vos articles respectifs en commentaire de ce billet. Je ferai un petit recap’ de vos propositions. La variété des résultats me réjouit d’avance et j’ai hâte de vous lire.

Voici les deux façons que j’ai trouvées pour me sortir de cette affaire-là. La première est un peu copiée-collée, Flaubert doit se retourner dans sa tombe!

***

Les calculs d’un apothicaire

Ce jour-là, Madame Bovary s’est rendue, la mine basse, et le cœur désormais privé de l’ivresse des espoirs, à la pharmacie. Justin, l’arsenic (oh, à peine un dé à coudre – cela fait son office), l’agonie – fin. C’est Rodolphe qui a donné le coup de grâce, malgré sa consistance de tagliatelle trop cuite. Il n’a pas maquillé son indifférence et elle, elle s’est mangé la poudre à mourir dans la main, puisqu’il n’y avait plus rien à manger dans la main de Rodolphe. Bref, on connait l’histoire, inutile de la raconter.

Mais ce que tout le monde ignore, parce que Flaubert ne raconte pas tout quand même, sinon ça se saurait, c’est qu’Homais, pendant qu’Emma meurt, pense à son arrière petit fils. Il l’imagine paradant dans une luxueuse pharmacie parisienne. Il en crèverait de jalousie, si le rôle n’était pas déjà pris, parce qu’il voudrait bien que la gloire n’attende pas l’arrière petite génération pour frapper à sa porte. Il songe avec inquiétude que, s’il n’abat pas rapidement une nouvelle carte, il demeurera un provincial aisé, mais un peu ringard. Et Homais fait des calculs d’apothicaire, table sur sa chance pour entrer dans le beau monde, remâche quelques phrases ampoulées pour un prochain article. Il fait d’ailleurs un peu l’autruche (ce qui, soit dit entre nous, ne fait pas de lui un bon pharmacien mais lui donne un sacré potentiel en politique), oubliant cette histoire d’arsenic qui pourrait ne pas lui faire la meilleure des publicités. Et, alors que l’héroïne, à demi suicidée encore, se dresse une dernière fois à côté de lui, les yeux exorbités et la langue répandue, avant de s’abattre, morte pour de bon, enfin, sur le lit, il poursuit, impassible, sa réflexion : « Allons, Homais, de la pompe et du cirage de pompe, voilà l’alpha et l’oméga du succès ! »

Salade de pâtes/pattes

Mademoiselle l’autruche, la pin up du troupeau, l’alpha et l’oméga de l’élégance dans le monde des autruches, celle dont les pattes sont si longues qu’elle regarde tout le monde de haut, est un peu déplumée. Trois fois rien, un creux dans le plumage pas plus gros que ça, oui, voilà, comme ça, à peu près. Enfin vous voyez, ce n’est pas grand-chose. Seulement cela l’inquiète. Si on ne le lui avait pas fortement déconseillé à la pharmacie, elle se serait maquillé l’arrière-train, histoire de faire illusion. Parce que depuis que ses plumes se sont fait la belle, elle, elle ne la fait plus, la belle. Elle ne provoque plus cette ivresse, ce désir irrépressible chez messieurs les honorables autruches mâles (j’aurais volontiers dit autrucheaux ou autruchons, mais j’ai vérifié, cela n’existe pas !). Il n’y a plus que ce ringard d’émeu qui se tord le cou pour lui faire de l’œil. « Qu’il se calme, pense-t-elle, même déplumée, je ne cèderai pas aux avances de ce volatile pleurnichard (c’est vrai que les émeus ont la larme facile). Il a les membres bien trop courts, pardonnez-moi ! Et s’il a le feu aux plumes, qu’il lise Madame Bovary, cela refroidira ses ardeurs ! »

Oui les autruches et les émeus lisent, et savent coudre aussi, mais ils ne jouent pas aux cartes et c’est ce qui les différencie principalement des tagliatelles, qui, elles font les trois, comme toutes les jeunes filles de bonne famille. Quant à dire que les bonnes jeunes filles sont des tagliatelles de famille, d’ici, il n’y a qu’un pas : sautons !

 

Dîner d’écrivain

A Monsieur Paresseux, en guise de remerciement sincère pour ce qu’il sait.

Soirée de réveillon chez l’écrivain. La nappe est blanche comme le chaperon est rouge. Les galettes et le beurre sont disposées sur une assiette en porcelaine de Limoges parce que c’est important pour lui, le patrimoine local. Et vous avez aussi deviné que les galettes et le beurre n’ont pas été choisies au hasard, oui oui, ce sont les galettes et le petit pot de beurre, ni plus ni moins. Bref, tout est parfait pour cette dernière soirée de l’année. Il y a des bougies allumées sur la table, et la chevillette attend sagement qu’on la tire.

L’écrivain, parce que c’est jour de fête, veut remercier tous ceux qui viennent, les autres jours de l’année, se plier à ses fantaisies en se couchant docilement sur son papier. Alors il a rangé sa plume et sa page du jour est aussi blanche que la nappe. Tant mieux, tout le monde mérite un jour de congé, même l’auteur et ses personnages, non? Voilà, voilà, le couvert est dressé avec mille précautions: un vase au long col pour la cigogne et une large écuelle pour le renard (ce n’est pas le jour pour les mauvaises plaisanteries). Pour certains, c’est assez simple de les contenter. Mais pour d’autres, c’est une autre affaire. Le loup avait une place de choix: entre le petit chaperon rouge et la grand-mère. Bien sûr, l’écrivain s’est demandé si la place était aussi agréable pour la petite fille et la vieille dame, alors il a mis le chasseur juste en face du loup, avec le fusil pas loin. Mais du coup, il s’est dit que ce ne serait peut-être pas trop confortable pour le chasseur de devoir surveiller le loup comme les autres jours de l’année, ni pour le loup d’avoir le fusil braqué sur lui durant tout le repas. Alors il a enlevé toutes les étiquettes placées sur les jolies serviettes et il a tout recommencé, en plaçant d’abord les autres convives, on verrait après pour les cas compliqués.

L’écrivain a repris ses notes (et oui, on y revient toujours quand on ne sait pas faire autrement) et il a considéré la liste des autres invités. Il en restait six, et non des moindres: la chèvre, Monsieur Seguin et le loup (ce qui faisait d’ailleurs un autre loup à caser ni trop près ni trop loin de la chèvre, du chaperon et de la grand-mère), le corbeau, le renard (un deuxième renard, donc), et le fromage. L’auteur, paresseux et malin à la fois, ne veut pas de dispute – un personnage qui partirait fâché risquerait  de le planter là pour les histoires qu’il a l’intention d’écrire  le nouvel an venu – et surtout, il ne veut pas de tâches rouges sur la nappe blanche parce que c’est long à nettoyer et que les gouttes de sang sur la neige, c’est déjà pris par une histoire du Moyen-Âge qu’il n’a pas du tout l’intention d’exploiter.

Voilà finalement comment il a organisé les choses: les loups et les renards seront tous d’un côté de la grande table,  et en face, il y aura le fromage, voisin de la grand-mère. Là, il ne craindra rien, parce que la vieille dame sera occupée par les galettes et le beurre sacrifiés pour leur part sur l’autel de la convivialité. L’auteur pense à leur propos qu’il pourra avantageusement les remplacer dans les contes de l’année prochaine, par du vin et du saucisson, ou autre chose, et que cela s’est déjà vu, d’ailleurs. Donc le fromage et la grand-mère, et puis qui? le chaperon bien sûr, qui sera bien content de profiter d’une grand-mère sans grands-yeux-grandes-oreilles-grandes-dents! Enfin à la droite du chaperon, les volatiles, qui auront et plumage et ramage pour rivaliser. La chèvre sera assise à côté de la fenêtre, afin qu’elle puisse s’évader si bon lui semble. Monsieur Seguin ne s’inquiètera pas de trop, puisque les loups seront là, à ripailler gaiment. D’ailleurs Monsieur Seguin sera en bout de table, à côté du chasseur, entre les deux clans. Le chasseur n’est pas dans toutes les histoires du chaperon rouge, mais  l’écrivain s’est dit que l’inviter quand même ne serait pas inutile. Et il est sûr qu’il s’entendra bien avec Monsieur Seguin, ayant avec lui un ennemi en partage. Lui, l’écrivain, il s’assoira à l’autre bout de la table pour couver du regard tout son petit monde.

Le chaperon arrive en premier, une fois n’est pas coutume, tire la chevillette et caetera, la grand-mère suit et tous les autres arrivent après elle à la queue leu leu. Monsieur Seguin et la chèvre arrivent un peu en retard et tous les deux essoufflés car l’un a couru après l’autre, on ne se refait pas.

Le dîner est assez gai: les renards tiennent conciliabule, et les loups dévorent si goulument les galettes qu’on leur sert qu’ils avalent aussi la porcelaine de Limoges. Tant pis pour la conservation du patrimoine, pense l’écrivain, le jeu en vaut la chandelle. Les autres personnages bavardent joyeusement, se plaignent ce qu’il faut de leurs misères, et des loups surtout, et des renards aussi. Leur connivence fait plaisir à voir. Pour une fois, l’hôte n’a pas sorti sa plume. Il mange sans parler, mais des conversations, il n’en perd pas un miette. Repas de fête ou non, il faut prendre l’inspiration là où elle se trouve. Et chacun sait que ce sont toujours les personnages qui donnent le la.

Cela d’ailleurs, le corbeau ne l’a pas oublié -mais il a oublié, une fois de plus, le fromage, qui se tient coi et rond sur son tabouret (mais a-t-on jamais vu un fromage faire des commentaires?). Donc, le corbeau donne le la, mais le do aussi, et le si, et le sol, et le ré, sans répit, à la cigogne subjuguée. A la fin du repas, l’affaire est dans le sac, la demoiselle n’a plus de bec que pour l’oiseau noir et ses brillantes vocalises. Alors que chacun prend congé après les embrassades rituelles – mais néanmoins prudentes – de minuit, le corbeau, tenant la cigogne par la plume, adresse en s’en allant un clin d’œil complice à son écrivain car c’est à lui qu’il doit toutes les histoires qu’il a eu pour s’entrainer.

Le testament – Agenda ironique de Décembre

https://annedenisdelln.files.wordpress.com/2017/11/agenda-ironique-nov-2017.jpg

A vous, (dont je me fiche comme de mon arrière grand chien à la mode romaine, mais c’est tout de même triste de partir sans faire de testament dans lequel malgré tout je m’efforcerai de dire la vérité,)

 

(Étant agonisant, vous pardonnerez les soubresauts de mon langage qui, de plus en plus, déraille comme la boisson dans son bocal. Quant aux prothèses en abondance,  ma foie de volaille, je n’y peux rien. Et puis, ça vous arrivera, à vous aussi. Merci de votre malédiction.)

D’abord je sais bien comment vous allez m’enterrer. Ce ne sera pas très simple (puisque vous aimez les chihuahuas)  mais assez rapide, comme l’autoroute et comme d’habitude : cotillons – flonflons – couic.  Salut la marmelade.

Et puis, au réveil, vous aurez la soupière en carafe. Çà aussi, ce sera comme toujours. C’est triste de penser que ma mort n’aura rien d’original. Pomme d’api.

 Je sais aussi ce qu’on dira de moi: « Tu nous as collé au lampadaire comme une pomme accrochée à sa botte en cuir. On a  bien mis un an à se débarrasser de toi ! Et avec ça, pas un rond, ni rouge, ni vert, rien! que des ennuis ! Bon ventre ! » Personne n’échappe à vos langues de pipe, c’est la couture, chez nous.

C’est pas que j’ai le melon jaune moi, je sais bien que je n’ai pas toujours été à la hauteur d’échelle, mais enfin, c’était pas si pire. Et le prochain, là, le petit nouveau, celui qui débarquera de son Get 27 à la seconde, oui à la seconde où j’aurais passé la cruche en l’air, cet ado blanc comme un chiffon propre, il ne fera pas mieux, pas pire. Seulement, vous allez croire en lui, le temps de quelques rasades de champagnon des bois. Vous allez tirer des plans sur la maison des voisins, et rêver. Rêver…comme des limaces un jour de grève. Quelques minutes tout au plus. Une souris verte et puis voilà.

Après, vous prendrez de bonnes distributions, et le champagnon aidant, elles seront de plus en plus incroquables, mais tant pis, ce sera le moment ou jamais pour cramer. J’imagine déjà vos messes :

  • Je ne vendrai plus la boite en fer avant de l’avoir jeté par la fenêtre.
  • Finie la cigale, j’arrête ! et la colle aussi !
  • Il ne faut plus prendre les parapluies pour des sirènes (et vous rajouterez, convaincus et convaincants : « non d’une pipe en boîte ! », et tout le monde sera content parce que les pipes sont toujours trop aventureuses).

Ensuite, comme vous n’aurez pas encore arrêté la colle, ni le poids chichon (c’est toujours pour le lendemain ce genre de choses ; croyez-moi,  je m’y connais en jours qui passent comme vache qui pisse: c’est mon fonds de compère et ma guillotine. Tontine), ça va devenir coton comme devant. Voyez donc :

  • Il faudra prendre le bus de paner de bon froments avec les jantes qu’on aime.
  • Je ne mâterai plus de chochos là avec déchet.

Bref, je ne fais pas toute la piste, parce que vous la ferez vous-mêmes d’ici peu, et je ne la ferai pas même si, quand vous lirez ce document (qui pourtant se situe bien plus haut que sa deuxième syllabe et ne dit rien que le verre et le thé), vous l’aurez sans doute remisée aux balayettes.

Enfin, puisqu’on s’est tout dit, ou presque, et que toutes façons c’est trop rat, je vous ivre mes derniers chimpanzés :

Que 2018 vous assaisonne la cervelle comme vous m’avez  ourdi les mireilles.

 

Signé : 2017


Ecrit pour l’agenda ironique de décembre : « Non d’une pipe en boîte, il ne faut plus prendre les parapluies pour des sirènes », dont Anne a formulé la consigne en toute limpidité ici, après qu’on ait ensemble chuchoté à l’oreille des orangs-outangs.